vendredi 5 décembre 2014

Bien choisir son SexFriend...



C'est étrange, dès que je papote avec ma collègue de travail, de drôles d'idées d'articles me viennent en tête. Celui-ci en est la preuve par écrit :-P

Tout d'abord qu'est-ce qu'un(e) sexfriend?
Très facile, c'est du sexe entre amis. C'est-à-dire, pas de sentiment, juste du plaisir, du plaisir et encore du plaisir sans prise de tête. Vous prenez ce qu'il y a de bon dans une relation de couple, et vous laissez tous les aléas de la vie conjugale de côté.
Le paradis en fait. 
Mais contrairement à ce qu'on pourrait croire, un sexfriend ce n'est pas si simple à trouver. Alors voici quelques conseils pour bien choisir le votre.

1/ Contrairement à ce que pourrait laisser entendre son nom, ne choisissez jamais un de vos amis (encore moins un collègue de travail!). Pour plusieurs raisons: 
   a) Vous risquez de tomber amoureux, ou votre partenaire de vous. Ce qui pourrait être super, si les sentiments étaient partagés, or, dès le début les règles sont posés, pas de sentiment. Si vous tombez amoureux, il y a de fortes chances que l'autre soit resté concentré sur votre entente première. Et là....
  b) Il y a de fortes chances que tout votre entourage soit mis au courant. Alors moi je ne m'en cache pas, j'ai un sexfriend, je le dis, rien à fichtre de ce que les gens pensent, mais je préfère que personne ne le rencontre. Ça évite des remarques genre: "Et entre vous, ça devient sérieux? Quand est-ce que vous habitez ensemble..." Euh comment dire... Jamais!!!
  c) Si un jour il y a séparation, parce que soyons sérieux, on ne peux pas vivre éternellement avec juste un plan cul, et bien la séparation se fera plus en douceur. Vous vous souvenez: 0 prise de tête \o/

2/ Vous avez le choix (surtout vous mesdames, les mecs sont beaucoup plus facile à convaincre que les filles qui ont toujours peur de se faire traiter de sales p*** ) alors n'hésitez pas. Choisissez, et choisissez bien. Vous aimez les fortes poitrines, des bijoux de familles assez conséquents. Vous préférez les blond(e)s, brun(e)s... faites votre marché sur un site de rencontre, notez ceux(celles) que vous préférez, discutez un peu, savoir ce qu'il(elle) aime au lit (ba oui, faut quand même avoir les mêmes appétits). Prenez rendez-vous pour un café et voyez si le feeling passe. Pas la peine de coucher dès le premier rencart, c'est juste pour tâter la marchandise* ;) !


3/ Essayez d'en apprendre le moins sur votre sexfriend. Moins vous en savez, mieux sait. Si vous ne connaissez pas son histoire, vous avez plus de chance de ne pas vous attacher à lui(elle). Je sais je me répète, mais le but est de prendre du plaisir pas de s'attacher. On a tout notre temps pour trouver l'âme soeur, amusons-nous un peu avant.
Votre sexfriend est avant tout un sextoy grandeur nature. Ne le regardez pas comme un(e) potentiel(le) petit(e) ami(e) mais bien pour ce qu'il(elle) est: un bonbon à déguster.*

Pourquoi, me demanderez-vous, dans ce cas, ne pas utiliser directement un vibromasseur ou autre joujou pour adulte. Tout simplement parce que les bisous dans le cou c'est... grrr... miaou...

4/ Votre couple n'existe pas, vous ne vous voyez que pour le sexe. N'oubliez jamais ça! Si vous vous croisez dans la rue, il n'y aura pas de bisous bisous, câlinous ou autres papouilles. Non, ne soyez pas triste, ça aussi ça met un peu de piquant. Jouez les inconnus ou simples connaissances... vous verrez ;)

5/ Enfin, sachez que s'il(elle) est votre sexfriend, vous, vous êtes le sien. Ne vous plaignez pas s'il(elle) manque de temps pour vous, s'il(elle) ne vient que pour une partie de jambes en l'air. Vous êtes un sextoy!


Voilà, je sais, ce n'est pas très productif comme article, mais au moins je me suis amusée. Alors jouissez bien de la vie!!

* Dans ce billet, il y a des phrases, des remarques avilissantes pour un partenaire sexuel. Ceci est fait exprès pour que vous ne tombiez pas de haut si un jour votre sexfriend vous lâche. Forcément que vous allez vous attacher à lui(elle). On ne peut pas s'envoyer fréquemment en l'air avec quelqu'un sans qu'une complicité naisse. Vous aurez beau vous dire que ce n'est que pour le Q, les sentiments viendront forcément s'en mêler. 
Une dernière chose: votre partenaire est peut-être votre sextoy, mais le sexe c'est bien plus compliqué qu'un morceau de plastique qui vibre. Aussi sachez que plus vous donnerez du plaisir, plus vous en prendrez. Et oui, pour une jouissance maximale, il faut avant tout du partage. Et c'est bien plus drôle comme ça ;)

mardi 2 décembre 2014

Effroyable jeunesse


Un soir, alors que je me morfondais dans ma solitude, j'ai reçu un message. Quelques mots sur un écran. Quelques mots qui décrivaient si bien son insouciance, sa suffisance. 
"J'ai envie de toi."
Un sourcil levé, je restais la bouche en rond, interloqué. Il s'est trompé de numéro. Je ne pouvais pas en être la destinataire. Je suis trop vieille pour lui. Ce n'était pas possible. Et pourtant... Que voulait-il? Que cherchait-il? Jamais personne n'avait jamais été aussi directe. Insolente jeunesse.
En cinq mots il faisait de moi son obligé. Accrochée à mon téléphone, je retenais mon souffle, attendant de ses nouvelles, qu'il me dise où et quand on se verrait. Ses messages, mes bouffées d'oxygène, se faisaient attendre. Oh mon Dieu, comme j'aimerai savoir me faire désirer comme lui savait le faire. Et puis, il y a eu:
"Apprends-moi."
Toi apprends-moi. Enseigne-moi ta fraîcheur, ton sourire, ta naïveté.
Apprends-moi à rire, à aimer. Rappelle-moi tout ce que j'ai oublié, tout ce que je me suis refusée. 

Que dire de la suite. Elle ressemble à toutes les histoires interdites. Un jeu de cache-cache. Des non-dits, des rêves irréalisables et une fin attendue.
"Désolé, elle, je l'aime." 
Bien sûr qu'il l'aime. Elle est plus jeune, sans attache, avec un avenir à construire. Elle a tout ce que je n'ai plus. Je n'arrive même pas à lui en vouloir, il a le droit au bonheur. Au contraire, je lui souhaite une vie riche et merveilleuse, sans trop d’embûches. Qu'il ait tout ce que je n'ai pas eu. 
Je ne suis pas une idiote, je sais ce qui m'est permis ou non. Je sais ce qui a un avenir ou non. Je sais ce que les gens bien pensant penseraient de tout ça. Mais, pour être honnête, j'avais oublié que ça faisait aussi mal. Pendant quelques temps j'avais de nouveau 16ans, et comme une ado, je me suis voilée la face. 
Alors quand la réalité s'imposa à moi... Je me suis effondrée. Je n'arrivais plus à voire claire. Une part de moi est morte.
C'est triste à dire, mais je crois que cette fois c'est fait. Du haut de mes trente ans, j'ai enfin compris que le prince charmant n'existe pas.

Alors tout ceci n'est pas pour dire: "Hey mesdames, les mecs plus jeunes ne sont pas pour vous." 
Non, au contraire, ça veut juste dire: "Hey mesdames et messieurs, attention, qu'importe votre âge, un chagrin d'amour est tout aussi destructeur que le premier."

dimanche 5 octobre 2014

le coeur gros


Il y a des jours comme aujourd'hui où vous attendez un événement avec impatience. Où vous espérez, vous y croyez... Et puis il y a des soirs comme ce soir où la déception, la frustration, la peine vous accable. Alors vous ne demandez qu'une chose: pouvoir pleurer. Pleurer pour que votre coeur s'allège. Pour que l'étau se desserre, pour pouvoir respirer de nouveau... Mais rien à faire, pas l'ombre d'une larme ne se dessine au coin de votre oeil. 

Alors commence une guerre avec vous-même. Vous essayez de retrouver le sourire, de dédramatiser, de toute façon c'est vous qui vous êtes monté la tête. Tout ça c'est de votre faute, personne d'autre n'est en cause. Et ça tourne, encore et encore. Savoir où, pourquoi, comment vous en êtes arrivé là.
Comment j'en suis arrivée là? Et cette foutue larme qui ne veut pas couler.

Pourquoi suis-je si triste? Pourquoi je me sens si seule? Pourquoi je n'arrive pas à pleurer? Suis-je devenue si dure? 

J'ai tout essayé. Je tape contre les murs, pense à ce qui me manque, en bref, je me fais du mal. Du mal pour rien vue que la larme ne vient pas.

 La solitude est la pire des maladies. Elle vous prend par surprise, vous assaille de questions, de reproches. Elle ne vous lâche plus, rend votre vie ingrate. Vous devenez aigri, irrespectueux, honteux. En un mot: triste.

Je ne désirais qu'une seule chose ce soir, combler ce manque dans mon coeur. Le remplir d'une douce mélodie. Je me contenterai de l'amertume.

lundi 15 septembre 2014

Bienvenue à Hôtel Boyard

Pour ceux qui ne le savaient pas, je travaille dans un hôtel. Le matin, je remets les chambres en état pour les prochains clients... Autant dire que parfois, j'ai de sacrées surprises!
Imaginez... Je dois laver les salles de bains et ne laisser aucune trace (pas même une goutte d'eau), faire les lits et les poussières. Et quand j'ai fini, je retourne vérifier toutes les chambres: les cintres sont tous dans le même sens? Les poubelles vides? Le programme télé parallèle à la télécommande? Les géraniums arrosés?...
Alors parfois, je cours. Je cours avec mon trousseau de clés dans les mains, ouvrant et fermant des portes. Et là, j'ai comme un sentiment de déjà vu. Vous voyez où je veux en venir? Je suis Passe-Partout ^^

Du coup, comme le travail est assez répétitif, je me suis amusée à imaginer un jeu: Hôtel Boyard
Non mais vous êtes malade!! Jamais je n'irai travailler là-bas!! Brrr.....

Enfin bref, imaginez Patrice Laffont ou Olivier Mine selon votre génération (quoi Castaldi? Ah, vous aussi vous avez fait ce cauchemar? Le monde est petit :P ). Il s'arrête devant une première porte:

Cellule numéro 14: La tarte aux poils
"Monsieur Dupond arrive tout droit du Cap Nègre. Demain il a un entretient d'embauche pour travailler sur la LGV qui se construit à moins de 5km. La route a été longue pour arriver en France, et il doit se faire beau.  Alors il vient d'acheter un joli rasoir, tout beau, tout neuf. Mais Monsieur Dupond n'est pas très doué et il a recouvert toute la salle de bain de ses poils grisonnants.
Votre mission: tout ramasser. Attention, la fée Marie veille au grain. Si elle retrouve une seule de ces sal...ries, même dans la bouche d'évacuation de l'eau, vous avez un point de pénalité.
Par contre, si vous retrouvez le poil de cul en or que Madame Gaston a perdu la veille, vous gagnez un bonus temps pour l'épreuve finale."

Alors on continue? Ça vous a plu?

Cellule numéro 4: Les amoureux transis

"Jean avait bien l'intention de faire tomber les dernières barrières de réticence de Jeannette. Alors il a tout mis en oeuvre pour parvenir à ses fins (ou sa faim...). Resto de luxe, belle chambre... Gagné! Jeanette n'a pas pu dire non. La nuit a été chaude!

Votre mission: Changez tous les draps sans vous en mettre plein les doigts. Vérifiez l’alaise, elle ne doit pas être tâchée! Essuyez le champagne collé au sol.
Vous gagnez un bonus temps si vous retrouvez le préservatif usagé caché sous le lit."

Oui, parfois on se demande si on doit être heureux de savoir que des gens s'éclatent, ou alors grogner pour le boulot à faire...

Cellule Mélusine: Le bronze
(Vous ne pensiez tout de même pas que j'allais mettre une photo de moi sur le trône tout de même?!! Non mais Oh! Allô Quoi!!)

"Papy Jojo et Mamie Linette sont constipés depuis une semaine. Mais pas ce soir. A cause de quoi? Est-ce les ris de veau aux morilles, ou la gélule bleu de Papy... Mystère! Les toilettes sont devenus marrons, même la serviette de bain à perdu de sa blancheur.
Votre mission: Rendez à la cuvette son éclat d'autrefois. Essuyez les murs, que les joins du carrelage soient nickel chrome!
Attention! Vous n'avez que dix minutes, et vous avez oublié vos gants mappa dans la réserve... courez vite!"

Épreuve finale: Le Restaurant.

"Et bien voilà, on y est. L'hôtel est rangé (ou presque, mais la fée Marie est là et sa baguette magique fait des miracles), maintenant il faut remplir les estomacs des clients. Oui mais voilà, vous n'êtes pas seul à servir. Vous devrez envoyer les plats tout en évitant les grands pieds de votre collègue, ne pas rire aux blagues du pâtissier, éviter les remarques acerbes du commis de cuisine, et surtout, surtout, éviter de croiser la mère Poularde qui se fera une joie de vous piquer le temps bonus que vous avez eu tant de mal à gagner dans les épreuves précédentes.
Vous êtes prêts? Attention, le temps est compté, les clients attendent et ont très faim. Ce ne sont pas des tigres, mais presque...."


Ca vous a plu? Vous aimeriez participer à ce nouveau jeu? Au fait, j'ai oublié de vous dire ce qu'on gagne.... Le droit de rejouer bien entendu ;)

jeudi 5 juin 2014

les 24h de la nouvelle 2014

Alors voilà, cette année encore j'ai participé aux 24h de la nouvelle. Le but? Ecrire une nouvelle en 24h, rien de plus simple vous me direz, sauf qu'en temps normal, il faut environ deux à trois jours à une personne saine d'esprit, quand ce n'est pas une semaine, un mois... Heureusement, on nous demande une nouvelle finie, pas corrigé, ce qu'on appelle un premier jet. 
Comme écrire 2000 mots en si peu de temps n'est pas assez compliqué (oui, on a tous une famille, un travail, des amis et tout et tout) on nous rajoute une contrainte. L'année dernière, il fallait insérer les titres de chansons d'un groupe ou un chanteur au choix. Cette année, on devait donné un rôle même minime à un animal de compagnie.
Donc, j'ai relevé le défit, et voilà ce que ça donne. Je rappelle donc, il s'agit d'un premier jet, donc non corrigé (sauf les fautes d'ortho et de grammaire, enfin en partie):

Victime de son succès

Ça y est, je suis morte… enfin ! Que va-t-il m’arriver ? Ma vie était tellement vide que ma mort ne peut être que mieux. Je l’ai vue, ma vie, elle a défilé devant mes yeux comme convenu. Pourtant je n’y ai rien observé de palpitant. Elle était à mon image, fade, sans arôme ni couleur... Aucun intérêt.
J’avance. Enfin, je pense avancer. Je n’ai plus de pied ni de mains, plus de corps. Je flotte vers la lumière. Je m’attends à tout. J’ai lu tellement de choses sur l'au-delà que je ne sais plus, je ne crois plus. Y a-t-il un Paradis ? Un Éden ? Un Enfer ? Ou mieux, le Nirvana. Si ce n’est pas le cas, j’aimerai bien me réincarner. Recommencer ma vie, ne pas dire non, accepter des propositions, refaire les mêmes erreurs ou alors les gommer. Oui, la réincarnation… Ça me plaît… Un nouveau départ, une nouvelle vie.
J’avance. La lumière est derrière moi. Devant… rien… Ce n’est pas blanc, ce n’est pas noir. C’est vide. La mort ressemble à ça ? Au néant ?
Non, une tâche orange bondit de droite à gauche. Elle gambade, semble poursuivre quelque chose. Elle s’arrête. Me regarde. S’approche, s’éloigne. Je n’arrive pas à distinguer ce que c’est, mais je sais. Je sais que je la connais. Cette boule rousse me dit quelque chose. Je l’ai déjà vue. La forme se dirige vers moi, ça y est. C’est Mira, mon chat. Mais… il n’est pas mort. Enfin je crois, ça fait tellement longtemps que je ne l’ai pas approché. Il m’a quitté un jour, préférant le grand air à mon appartement miteux. Je l’ai laissé partir, après tout, je ne suis pas faite pour m’occuper des autres. Pour ça, il aurait fallu que j’arrive déjà à prendre soin de moi.
Mira me regarde, il me voit. Je ne dois pas être aussi invisible que ça en fin de compte. À moins que ce qu’on raconte sur les chats soit vrai : ils possèderaient une sorte de troisième œil. Une amie pensait qu’ils étaient la réincarnation de dieux égyptiens. Pourquoi pas ? Pourtant, maintenant je doute qu’elle eût raison : je ne suis morte, mais pas sur Terre…
Je me penche sur Mira, il remue la queue le poil dressé. Il est effrayé. Il ne me reconnait pas. Il crache, je me recule. Quelle cruche ! De quoi ai-je peur ? Qu’il me morde ? D’avoir mal ? Je n’ai plus de corps, la douleur n’existe plus pour moi.
Le chat entame lentement une marche arrière, il ne me quitte pas du regard. Je soupire, enfin j’aimerai respirer. Pourquoi faut-il que tous les hommes finissent par me fuir ? Même ceux sur quatre pattes.
« Ed ! »
Je connais cette voix.
« Ed ! »
Qui m’appelle ?
« Edwige, par ici ! »
Je fais volte-face. Une silhouette se découpe dans le fond. Je vole vers elle. Qui est-ce ? Mon grand-père ? Ma tante ?
« Dépêche-toi, bichette, on t’attend. »
Mon cœur se gonfle, mais je n’ai pas de cœur. L’allégresse me rend légère, je ne suis pas seule ! Je file comme un courant d’air,.
« Viens Ed, rejoins-nous. »
J’arrive, ne partez pas ! Je souhaiterai hurler, mais je n’ai pas de bouche. La voix résonne autour de moi, en moi. La silhouette devient plus nette. Trop fine pour être mon papy, trop grande pour tata. Qui ça peut-être ?
Je ralentis. Un sourire suffisant me cueille. Je m’arrête stupéfaite. Qu’est-ce que ça veut dire ?
« Salut, Ed, tu vas bien ? Ah oui, tu es morte donc tout roule pour toi. »
Un frisson électrique parcourt l’être que je suis. Ce regard, cette mèche sauvage, ces lèvres moqueuses… Ce n’est pas possible, il ne peut pas être là, il était encore vivant quand j’ai succombé.
« Mickaël, comment ? »
J’arrive à parler. Je serre les poings. J’ai des mains. Je me regarde. J’ai un corps.
« On doit causer tous les deux.
— Non tous les trois. »
Je me retourne, un beau brun arrive vers moi. La gentillesse qui se dégage de lui me rassure. Au moins, lui ne va pas me broyer sous les reproches.
« Je peux me joindre à vous ? »
Quoi ? Des garçons sortent de l’ombre, m’encerclent. Tous les hommes que j’ai aimés, un peu… beaucoup. Mickaël, Rémi, Jo, Mat, Éric… ils sont tous là. Je me tasse sur moi-même. Le poids de leur regard, l’aura qu’ils dégagent m’enveloppent comme une couverture rêche. J’ai froid. Je voudrais me réchauffer de leur présence, mais la tension m’irrite. Je serre mes bras autour de ma poitrine.
« Alors ? me lance Mickaël.
— Alors quoi ? m’étonné-je.
— Lequel d’entre nous as-tu le plus aimé. »
J’ouvre la bouche et oubli de la refermer. C’est quoi cette question ?
« Dis-leur que c’est moi, supplie Jo en me tendant la main.
— Toi ? ricane Mat, mais elle n’a passé qu’une nuit avec toi. Ed, tu te rappelles cet été-là… on était bien ensemble. »
Je souris. Oui je me souviens. Pourtant Mat a tort, un mois ne remplacera jamais la seule nuit que j’ai partagé avec Jo. J’ai toujours regretté d’être partie le lendemain. J’avais peur, peur de me tromper, d’être heureuse, je ne sais pas exactement.
« Ed… on est resté combien de temps ensemble ? Dix ans ? Ça ne fait aucun doute que tu m’as aimé plus que tous les autres. »
Je fixe Éric. Quel enfoiré celui-là. Pas dix ans, huit. Mais je suis d’accord, ça m’a semblé beaucoup plus long. Je suis resté avec lui pas par amour, mais par habitude. C’est dingue ça. J’ai quitté Jo par peur du bonheur, je me suis accrochée à Éric par peur de la solitude. Mais qu’est-ce que j’ai fait ? Ma vie ne se résumerait donc qu’à ça ? Des regrets ?
« Entre nous il y avait toujours ce petit truc qui nous attirait l’un vers l’autre comme deux aimants opposés. Personne ne pouvait nous séparer, il fallait qu’on se touche, qu’on s’embrasse. »
Une larme coule sur ma joue. Rémi a raison. De tous, il était celui que je désirais le plus, celui dont je rêvais… et qui...
« Et tu n’as jamais voulu de moi, hurlé-je hors de moi. Tu préférais voyager, partir encore et encore ! Tous autant que vous êtes, comment osez-vous me poser ce genre de question ? Comment osez-vous venir me harceler le jour de ma mort ? Aucun de vous n’a jamais pris la peine de me connaître, d’apprendre à me faire plaisir. Oh oui, Éric, on est resté longtemps ensemble, mais pourquoi ? Par amour ? Tu n’en avais rien à foutre de moi ! Ce qui comptait c’était ton petit confort personnel. Jo, une nuit… une nuit indélébile, et puis après ? T’es-tu battu pour m’avoir ? As-tu essayé de me rassurer ? Non, tu as préféré me regarder de loin, tu me voyais seule, perdue et tu n’as même pas levé le petit doigt pour me sauver. Je n’étais qu’une gamine qui rêvait d’un chevalier. Quel beau chevalier ! Même pas capable de défoncer une porte dégondée. »
Mon souffle me fait défaut. Je respire difficilement. Une boule se coince dans ma gorge. Les larmes ne se tarissent pas, je n’en peux plus. Je veux qu’ils s’en aillent. Je ne veux plus les voir.
« Il ne reste plus que moi. »
Mickaël et son sourire, ses cheveux en bataille. Celui avec qui j’ai essayé. Vraiment essayé d’être heureuse. En vain.
« Toi tu es le pire de tous. Tu te servais de moi. J’étais prête à tout pour toi… »
Je serre les dents. Les mots veulent sortir, en désordre. Je ne peux pas, je me suis toujours retenue d’être méchante. Ne jamais leur en vouloir. Tout ça, c’est aussi de ma faute. Je ne me suis pas battu, j’ai baissé les bras.
« Oui ? insiste Mickaël.
— Ça va ? Tu as réussi à oublier tes amours perdus ? demandé-je acerbe. Tu venais me voir dès que tu te faisais larguer, dès que tu avais besoin d’être cajolé, rassuré et tu repartais me laissant plus seule que jamais. Tu n’as pas honte de croire que je pourrais un jour te pardonner les épreuves que tu m’as faites endurer ? Je te hais, je vous déteste… TOUS !
— Alors tu ne nous as jamais aimés ? » relance Jo la mine déçue.
Ma colère retombe d’un coup. Mes épaules se relâchent. Mais qu’est-ce que l’amour ? Les ai-je aimé ? Un soupire de lassitude s’échappe de mes lèvres. Épuisée, je secoue la tête.
« Au contraire, soufflé-je dans un murmure à peine audible. Je vous ai tous aimé, chacun d’une manière différente, mais aujourd’hui…
— Oui ?
— Celui que j’aime le plus n’est pas là. »
L’image de Jean s’impose à moi. Il n’est  pas forcément beau, mais quand il sourit… quand il sourit... je suis aux anges. Il m’écoute, cherche à me comprendre. Il est patient, compatissant, gentil, un peu con… mon cœur se brise. Je suis morte, je ne le reverrai plus, c’est terminé. Tant d’années sans le connaître, on aurait pu se croiser, on a habité les mêmes villes sans jamais se rencontrer jusqu’il y a peu.
« Tu lui as dit ? »
Mickaël a perdu son air suffisant, au contraire il semble heureux.
« Non.
— Qu’est-ce que tu attends ?
— C’est trop tard. Tu as oublié ? Je suis morte. »
Un rire cristallin retentit autour de moi. Les hommes que j’aime reculent. Je crois qu’ils vont disparaître comme Mira, mais non. Ils s’arrêtent. Une lueur rouge passe dans leurs yeux. Ils me montrent leurs dents. J’ai peur. Ai-je eu tort de dire la vérité ? Je n’aurai peut-être pas dû.
Ils me dévisagent. Leurs cheveux se dressent. Ils s’élancent sur moi. Je crie surprise. Dans un geste vain de protection, je me recroqueville sur moi-même. Sur mon dos, je sens des coups. Ils me frappent, j’ai mal, je hurle. Laissez-moi ! Allez-vous-en ! Je m’éteins…

Une lumière blanche, encore. J’ouvre les yeux. Un néon blafard m’aveugle. Une odeur aseptisée s’impose à moi. Les draps blancs, les murs blancs, les stores blancs. Un fumé de soupe bas de gamme s’invite dans la chambre. Je n’ai plus de doute, je suis à l’hôpital. Je n’étais pas morte.

Une semaine plus tard, on m’a tout raconté. L’accident, l’opération pour me sauver les jambes, mon dos à deux doigts de se briser. Ma mort durant une minute et vingt secondes. Mon retour : un miracle.
Je suis encore faible. D’après les médecins, ma convalescence ne sera jamais vraiment terminée. Je ne serai jamais vraiment guéri, mais je dois être reconnaissante : je suis en vie. Saleté de toubibs. Toujours le mot pour faire plaisir. J’aimerai bien les voir alités pour un temps indéfini et être heureux d’être en vie.
Je suis là, je rumine ma malchance. La faute à personne. Qui pouvait prédire qu’un arbre allait tomber pile au moment où je passais dans ma boîte à savon.
Trois coups à la porte.
« Entré.
— Ed ?
— Jean… »
Il passe le seuil de la porte, me sourit. Je pleure de joie. Oui, je suis heureuse d’être en vie.

Pour lire les autres participations, rendez-vous ici.


mardi 20 mai 2014

L'Ombre des Hommes #07

Le Brûlant étendait ses doux rayons sur le camp où régnait une agitation peu habituelle. Les Marcheurs bouillonnaient d’excitation. L’aube se levait sur un peuple changé, toujours inquiet de son avenir, mais fort d’un nouveau sentiment : l’espoir.
Ovi ne s’attarda pas dans son paten. La bête ayant détruit l’ossari, il ne restait plus que la bâtisse en bois où les enfants dormaient encore. Cette nuit, elle l’avait passé seule. Elle avait attendu Dodroi en vain. Ce dernier ne s’était pas couché, trop occupé à parler avec les Anciennes et le Porteur. Leur départ provoquait bien des désagréments, à commencer par la futur absence de Cortig. Qui porterait la Lance durant son voyage ? Les Marcheurs ne pouvaient se passer d’un Porteur, il était le guide des chasseurs, celui sur qui le clan comptait pour ramener du gibier. Jamais auparavant, un Porteur n’avait laissé sa place de plein grès. Le sommeil éternel se chargeait de la lui retirait.
Le regard fier, Ovi traversa le camp. Elle se remplit les poumons de l’air glacé du matin en se frottant les doigts à la recherche d’un peu de chaleur. L’odeur de l’eau blanche se faisait sentir, elle ne tarderait pas. Le départ se faisait de plus en plus pressent, si par malheur, les flocons recouvraient le sol avant la Grande-Marche, la tribu serait contrainte de rester sur place, et beaucoup douter de leur survie. Ce n’était pas tant le froid, mais bien le manque de proie à chasser qui leur serait fatal. Même réchauffé, un corps affamé ne survivait pas longtemps.
À son passage, les hommes se frappaient le torse de leurs poings et les femmes lui touchaient l’épaule, admiratives. Ovi ne pouvait s’empêcher de sourire, même si son ventre se tordait d’appréhension. Jamais encore on ne l’avait contemplée ainsi, jamais ses sœurs ne l’avaient respectée. Elle avait enfin trouvé sa place et pour la garder, elle devait partir. Son sourire heureux mua en une grimace amère. Elle s’était portée volontaire, elle ne pouvait pas leur en vouloir. Personne ne l’avait obligé ! Pourquoi avait-elle fait ça ?
Dodroi apparut dans son champ de vision. Pour lui ! À présent qu’il était leur Père, toutes les femmes voudraient partager sa couche. Ovi devait se montrer digne de lui. Elle ne pouvait rivaliser face aux charmes de ses sœurs, alors ce serait par sa force de caractère qu’elle le courtiserait.

En pleine conversation avec Cortig et Loussa, Dodroi ne l’avait pas remarquée. Le cœur de la jeune femme se serra à l’idée qu’il l’avait déjà oublié. Son nouveau statut, ses nouvelles préoccupations, il n’avait plus le temps pour elle. N’avait-elle pas fait une erreur en se proposant ? Comment allait-elle l’enjôler si elle restait loin de lui ? Sa poitrine se fit soudain très douloureuse. Elle ne supportait plus de le regarder sans que des gouttes d’eau ne s’écoulent de ses yeux. La bouche tordue par la douleur, Ovi tourna les talons. D’un coup, l’envie de partir très loin devint omniprésente. Ses jambes se mirent à courir le plus vite possible. Un râle s’échappa de sa gorge qui se nouait d’angoisse. Elle s’enfuit. En cours de route, elle perdit sa pelisse et se retrouva bras nus dans le froid de la matinée. Son souffle se fit douloureux, des aiguilles de glace pénétrèrent ses poumons. À bout de force, elle se laissa aller contre un arbre aux branches recouvertes d’épines vertes. Lentement, elle glissa le long du tronc tout en continuant à le serrer entre ses bras frigorifiés. L’eau de ses yeux abonda sur ses joues. Comme elle se trouvait bête ! Fallait-il être stupide pour croire que partir loin d’un homme aller la rapprocher de lui. Lentement, sa peur de le perdre devint colère. Et lui ? Pourquoi l’avait-il déjà oublié ? Un nouveau titre et elle n’existait plus ? Que la vie pouvait être injuste !

lundi 12 mai 2014

l'agression: stop au taboo

Projet crocodiles que vous pouvez retrouver à cette adresse: http://projetcrocodiles.tumblr.com/

Une agression c'est quoi? C'est un geste, un mot. C'est quelque chose qu'on vous a fait subir contre votre volonté (ok, la définition est assez flou parce que dans ce cas là, une fête d'anniv surprise est une agression, mais bon vous m'avez comprise). On vous a blessé par des insultes, par une main baladeuse. On a pas tenu compte de votre non-désir, on vous rabaisse... Bref, vous connaissez, on en parle de plus en plus et c'est tant mieux. Plus on en parle, plus on apprend à se défendre. Mais pas que...
A force d'entendre toute sorte de récit, je me suis rendue compte d'une chose: j'ai été victime mais aussi bourreau.

Regardez l'illustration: ça vous révolte, il s'agit d'un viol. Un viol dont on ne parle pas parce qu'il a eu lieu au sein même d'un couple. Un viol n'est pas facile à démontrer, mais qu'en la victime n'en parle pas, quand le bourreau se croit dans son bon droit parce qu'il est le mari/petit copain, parce que d'habitude, c'est la victime qui quémande les faveurs du bourreau... alors là c'est mission impossible. Et pourtant, il s'agit bien d'un viol.

Regardez bien l'illustration: la victime: une femme. Le bourreau: un homme.
Et bien, je peux vous dire que les rôles peuvent facilement être interchangeable. Après tout, les hommes sont des robots. Il suffit de les asticoter un peu pour que la machine se mette en route, non? NON! Quand monsieur dit non, c'est NON! Oh, bien sûr, le lendemain il va en rire, avouer qu'il n'a pas aimé, qu'il a cédé à contre-coeur et sa fierté d'homme en prend un coup.Tout comme une femme refusera de s'avouer que l'homme en qui elle a mis sa confiance l'a trahie. Les mots que j'emploie sont eux aussi interchangeables: fierté de femme; confiance de l'homme envers sa compagne. 
ALORS STOP AU TABOO!!
Que ça soit dans un sens ou dans l'autre, le mal est le même. Que l'on soit homme ou femme, dans un couple, le "non-désir" de l'autre doit passer avant notre libido soit-disant incontrôlable.  
J'ai abusé d'un ex, je m'en rend compte aujourd'hui, j'ai honte, je n'arrive pas à me regarder en face. Je voudrais m'excuser mais il ne m'écoute plus... la faute à qui... 

Je n'ai pas d'excuse, je n'en cherche pas. Je voudrai simplement que certaines d'entre nous comprenne qu'un homme n'est pas un sex toys qu'on peut utiliser quand l'envie nous prend. Si votre copain vous force, vous allez hurler, le chasser dans le meilleur des cas. Vous sentir mal le lendemain et ne plus jamais faire confiance à quelqu'un dans le pire des cas. Alors, la réciproque est logique, non? Ne doit-on pas cajoler notre cher(e) et tendre comme on aimerait qu'il(elle) nous cajole?

Apprendre de ses erreurs, dit l’adage. Vaut mieux tard que jamais, dit le proverbe. Pour ma part, je préfère vous prévenir que vous guérir. Tout n'est pas blanc ou noir. Ce n'est pas parce que vous n'avez jamais commis de faute que vous n'en commettrez jamais. 
J'aurai dû être plus à l'écoute, comprendre ce qu'on me disait, mais j'avais appris à vivre autrement. J'ai évolué dans un monde où il valait mieux être une salope qui dit oui, qu'une victime qui dit non. Aujourd'hui, je sais dire non, mais SURTOUT, quand on me dit NON, je l'entends et je le respecte.

De nos jours, les femmes sont victimes de harcèlement quasi quotidiennement (j'ai un bon paquet d'anecdotes en tiroir), mais on a tendance à oublier que les hommes aussi. De façon plus discrète, moins exhibitionniste, mais tout aussi douloureuse. Sans le savoir, vous avez déjà blessé quelqu'un, abusé, trahi, dénigré. On est tous des crocodiles... à nous de changer.

samedi 29 mars 2014

Ecrire un monde pour vivre



La coupine Vestrit a posé une question: pourquoi écrire ? Bien entendu, elle y a répondu, puis Hatsh a livré son sentiment. C'est donc à mon tour.

Pourquoi j'écris. Un homme a répondu à la question avant moi, Pierre Bottero, et jamais je n'ai trouvé de meilleure réponse.
"Enfant, je rêvais d'étourdissantes aventures fourmillantes de dangers mais je n'arrivais pas à trouver la porte d'entrée vers un monde parallèle! J'ai fini par me convaincre qu'elle n'existait pas. J'ai grandi, vieilli, et je me suis contenté d'un monde classique... jusqu'au jour où j'ai commencé à écrire des romans. Un parfum d'aventure s'est alors glissé dans ma vie. De drôles de couleurs, d'étonnantes créatures, des villes étrangères...
J'avais trouvé la porte."

Ça résume parfaitement mon sentiment. Petite, je ne rêvais pas de devenir un écrivain célèbre, je ne savais même pas qu'un écrivain pouvait être célèbre. Je ne rêvais pas de gloire, ni de paillettes, je ne désirais pas écrire, je voulais juste rentrer dans un livre. Devenir la nouvelle Alice, partir sur le Joly Roger, visiter Neverland... les livres me sortaient d'un ennuie mortelle, d'une routine où rien ne finissait bien pour moi, où le prince charmant n'existait pas, où la magie était absente.

En grandissant, je n'ai jamais perdu cet envie de "rêver", sauf que la réalité devenait de plus en plus présente. Je devais faire face à mes choix, bons ou mauvais, assumer les conséquences de mes actes, et la magie n'avait plus sa place dans mon quotidien.

Quand je suis tombée sur cette citation de Bottero. Ça était comme un électro choc. Je me suis rappelée tout ce que j'avais perdu, tout mes amis en papiers, et je m'en suis voulue.

J'ai alors pris un crayon, un cahier et j'ai commencé à recouvrir des pages de mon écriture ronde et pâteuse ( ;) ). Au diable les fautes de grammaire, de conjugaison et d'orthographe, je pouvais enfin retourner dans mon monde. Ma tête bourdonnée d'idées plus ou moins innovantes, mes mains frétillaient d'excitation, mon coeur se gonflait du mystère qui s'offrait à moi.

Et puis vint l'orgueil.
Et si ce que j'écrivais était bien? Et si, la magie de mes histoires sortait des pages pour m'atteindre? Le fantastique a le vent en poupe de nos jours, Harry Potter, Edward, sans parler de la fantasy remis au goût du jour par la trilogie du Seigneur des Anneaux adaptée au grand écran... (vous l'avez compris, je parle d'il y a quelques années maintenant ^^ ). Et les séries SF n'ont jamais été aussi nombreuses.
Alors, j'ai soumis mon texte à quelques lecteurs, par morceau ou en entier... Bon faut bien l'avouer, la magie dans notre monde, il faut lui donner un coup de main. Après tout, les fantasticovores vous le diront, la magie a un coût, elle demande autant d'énergie qu'elle en donne.

Adieu orgueil, bonjour patience...

Aujourd'hui, je ne suis plus totalement dans le monde classique, mais je ne suis pas complètement dans le monde du rêve (il faut bien manger ^^ ), mais je ne me bats plus pour respirer, je ne suis plus triste de n'avoir jamais fait le tour du monde, parce que quelque part, j'ai déjà fait cent fois le tour de l'univers.

dimanche 23 mars 2014

L'Ombre des Hommes #06


Et donc, le sixième extrait:

Au travers le trou par où s’échapper la fumée, Loussa admira les brillants du ciel. Une tradition voulait que l’on raconte l’histoire du dernier Père au moment du ventre rond de la Blanche. Cette nuit-là, elle n’était pas encore pleine, pourtant il serait bon de rafraîchir la mémoire de ses frères et sœurs. La voix de l’Omsage s’éleva. Le Pisteur se détendit. Le conteur avait eu la même idée.

« Au temps où l’eau blanche ne quittait pas les plaines, que le gibier se faisait rare et la cueillette plus encore, les Marcheurs avait un Père et une Mère. Ce Père se nommait Savoir-Immense, dit Savari. Aucune femme ne se refusait à lui. Il savait traquer une proie mieux que n’importe quels chasseurs. Il pistait le gibier seul et le tuait seul. Tous connaissaient l’histoire de sa rencontre avec un lion des cavernes, tous savaient que la peau zébrée qui parait les épaules, lui avait coûté une balafre de la joue au sommet du crane. Peu fier de sa bravoure, il se rasait soigneusement la tête afin que tous puissent voir ses cicatrices victorieuses. »

Loussa écoutait respectueusement, les yeux fermé. Les paroles s’infiltraient en lui comme une eau fraîche et claire.

« Pourtant, continua l’Omsage, Savari n’était pas rassasier. Il voulait devenir éternel. Sa folie n’avait d’égal que sa soif de pouvoir. Il se mit en tête qu’il était le seul à être digne d’être Père. Il ne forma pas de successeur et commença à tirailler le clan pour que tout soit fait à sa convenance. Il devint cruelle, orgueilleux mais personne n’osait le contredire. Il était le Père. A sa mort, la mémoire des frères auraient été perdu si la Mère n’avait pas enjôlé Savari à tel point que brûlant après brûlant, il lui révéla tous ses secrets. Quand le Père s’endormit à jamais, la Mère décida de séparer ce savoir en trois. Elle offrit le secret des femmes aux Anciennes, la mémoire des hommes à l’Omsage, et la Lance au premier chasseur qui devint son Porteur. Depuis, plus aucun Marcheurs ne désira de Père, et espéra qu’aucun Brûlant à venir n’en verrait un se lever. »



Loussa rouvrit doucement les yeux. Telle était l’Histoire des Marcheurs. Le passé était fait pour éviter sa répétition, même un idiot le comprenait. Le Pisteur jeta des œillades autour de lui. La légende faisait son effet. Beaucoup de ses frères et sœurs se lançaient des regards interrogateurs. Cortig lui-même semblait soucieux. Le soulagement libéra les épaules de Loussa. Bien que teintée de bonnes intentions, la proposition du Porteur dénaturerait la structure du clan. Il espérait réellement que la mémoire des frères suffirait à le faire comprendre aux autres.

jeudi 20 mars 2014

L'Ombre des Hommes #5

Et c'est parti pour un nouvel extrait ;) :


« Corbo ? »
Ce dernier n’avait plus ouvert la bouche peu de temps après qu’on lui ait rappelé ses massacres. Les seules paroles audibles qui parvinrent à traverser ses lèvres étaient dénuées de cohérence.
Le conteur s’accroupit devant lui. Il posa une main sur la tête du jeune chasseur et le força à lever la tête.
« Comment va ton corps Corbo ? » insista l’Omsage.
Corbo poussa un grognement à peine humain avant de se dégager d’un coup de tête. Dodroi se releva peiné.
« Je vous repose la question, où était votre esprit ? leur demanda-t-il. Avez-vous vu quelque chose ? »
La femme ricana, Herbe regretta de ne pouvoir l’aider et Corbo ne décrocha pas un mot. Dodroi tourna les talons. Lorsqu’il ouvrit la porte en peau, un cri le fit se retourner. Corbo était debout. De ses mains liées, il pointa un coin sombre de la pièce.
« Elle est là, Elle est là, hurlait-il paniqué.
Dodroi bondit près de lui :
« Qui est là. Corbo, qui est là ?
— L’Ombre est là ! »
L’Omsage laissa ses bras tomber. L’état du jeune chasseur ne s’arrangeait pas, maintenant il avait peur des ombres. Il prit le jeune homme par les épaules est tenta de le rassurer. Il ne reconnaissait plus le chasseur têtu qui désirait la reconnaissance de ses pairs. A présent il était redevenu un petit garçon terrorisé par la nuit.
Dodroi appela le chasseur de garde et lui demanda une torche.
« Tu vois » dit-il en plantant la torche dans le sol, à bonne distance des malades. « Le feu chassera tes peurs. 
— Oh Omsage, ne me laisse pas ici, l’Ombre est partout. »

Dodroi tapota amicalement l’épaule de Corbo. Le pauvre délirait complètement. Malheureusement il ne pouvait rien pour lui, la mémoire des Marcheurs n’avait rien pour le soulager.

mardi 18 mars 2014

Platon, l'allégorie de la Caverne, livre VII de la République


— Maintenant, repris-je, représente-toi de la façon que voici l'état de notre nature relativement à l'instruction et à l'ignorance. Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu'ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête; la lumière leur vient d'un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux; entre le feu et les prisonniers passe une route élevée : imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles.
— Je vois cela, dit-il. 
— Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d'hommes et d'animaux, en pierre, en bois, et en toute espèce de matière; naturellement, parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent.
— Voilà, s'écria-t-il, un étrange tableau et d'étranges prisonniers.
— Ils nous ressemblent , répondis-je; et d'abord, penses-tu que dans une telle situation ils aient jamais vu autre chose d'eux-mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face?
— Et comment? observa-t-il, s'ils sont forcés de rester la tête immobile durant toute leur vie? 
— Et pour les objets qui défilent, n'en est-il pas de même? 
— Sans contredit. 
— Si donc ils pouvaient s'entretenir ensemble ne penses-tu pas qu'ils prendraient pour des objets réels les ombres qu'ils verraient? 
— Il y a nécessité. 
— Et si la paroi du fond de la prison avait un écho, chaque fois que l'un des porteurs parlerait, croiraient-ils entendre autre chose que l'ombre qui passerait devant eux?
— Non, par Zeus, dit-il.
— Assurément, repris-je, de tels hommes n'attribueront de réalité qu'aux ombres des objets fabriqués. 
— C'est de toute nécessité. 
— Considère maintenant ce qui leur arrivera naturellement si on les délivre de leurs chaînes et qu'on les guérisse de leur ignorance. Qu'on détache l'un de ces prisonniers, qu'on le force à se dresser immédiatement, à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière : en faisant tous ces mouvements il souffrira, et l'éblouissement l'empêchera de distinguer ces objets dont tout à l'heure il voyait les ombres. Que crois-tu donc qu'il répondra si quelqu'un lui vient dire qu'il n'a vu jusqu'alors que de vains fantômes, mais qu'à présent, plus près de la réalité et tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste? si, enfin, en lui montrant chacune des choses qui passent, on l'oblige, à force de questions, à dire ce que c'est? Ne penses-tu pas qu'il sera embarrassé, et que les ombres qu'il voyait tout à l'heure lui paraîtront plus vraies que les objets qu'on lui montre maintenant?
— Beaucoup plus vraies, reconnut-il.
— Et si on le force à regarder la lumière elle-même, ses yeux n'en seront-ils pas blessés? n'en fuira-t-il pas la vue pour retourner aux choses qu'il peut regarder, et ne croira-t-il pas que ces dernières sont réellement plus distinctes que celles qu'on lui montre?
— Assurément. 
— Et si, repris-je, on l'arrache de sa caverne par force, qu'on lui fasse gravir la montée rude et escarpée, et qu'on ne le lâche pas avant de l'avoir traîné jusqu'à la lumière du soleil, ne souffrira-t-il pas vivement, et ne se plaindra-t-il pas de ces violences? Et lorsqu'il sera parvenu à la lumière pourra-t-il, les yeux tout éblouis par son éclat, distinguer une seule des choses que maintenant nous appelons vraies? 
— Il ne le pourra pas, répondit-il; du moins dès l'abord. 
— Il aura, je pense, besoin d'habitude pour voir les objets de la région supérieure. D'abord ce seront les ombres qu'il distinguera le plus facilement, puis les images des hommes et des autres objets qui se reflètent dans les eaux, ensuite les objets eux-mêmes. Après cela, il pourra, affrontant la clarté des astres et de la lune, contempler plus facilement pendant la nuit les corps célestes et le ciel lui-même, que pendant le jour le soleil et sa lumière. Sans doute. À la fin, j'imagine, ce sera le soleil - non ses vaines images réfléchies dans les eaux ou en quelque autre endroit - mais le soleil lui-même à sa vraie place, qu'il pourra voir et contempler tel qu'il est. 
— Nécessairement, dit-il. 
— Après cela il en viendra à conclure au sujet du soleil, que c'est lui qui fait les saisons et les années, qui gouverne tout dans le monde visible, et qui, d'une certaine manière, est la cause de tout ce qu'il voyait avec ses compagnons dans la caverne. 
— Evidemment, c'est à cette conclusion qu'il arrivera.
— Or donc, se souvenant de sa première demeure, de la sagesse que l'on y professe, et de ceux qui y furent ses compagnons de captivité, ne crois-tu pas qu'il se réjouira du changement et plaindra ces derniers?
— Si, certes
— Et s'ils se décernaient alors entre eux honneurs et louanges, s'ils avaient des récompenses pour celui qui saisissait de l'oeil le plus vif le passage des ombres, qui se rappelait le mieux celles qui avaient coutume de venir les premières ou les dernières, ou de marcher ensemble, et qui par là était le plus habile à deviner leur apparition, penses-tu que notre homme fût jaloux de ces distinctions, et qu'il portât envie à ceux qui, parmi les prisonniers, sont honorés et puissants? Ou bien, comme le héros d'Homère,  ne préférera-t-il pas mille fois n'être qu'un valet de charrue, au service d'un pauvre laboureur, et souffrir tout au monde plutôt que de revenir à ses anciennes illusions et de vivre comme il vivait?
— Je suis de ton avis, dit-il; il préférera tout souffrir plutôt que de vivre de cette façon-là. 
— Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne et aille s'asseoir à son ancienne place : n'aura-t-il pas les yeux aveuglés par les ténèbres en venant brusquement du plein soleil? 
— Assurément si, dit-il. 
— Et s'il lui faut entrer de nouveau en compétition, pour juger ces ombres, avec les prisonniers qui n'ont point quitté leurs chaînes, dans le moment où sa vue est encore confuse et avant que ses yeux se soient remis (or l'accoutumance à l'obscurité demandera un temps assez long), n'apprêtera-t-il pas à rire à ses dépens, et ne diront-ils pas qu'étant allé là-haut il en est revenu avec la vue ruinée, de sorte que ce n'est même pas la peine d'essayer d'y monter? Et si quelqu'un tente de les délier et de les conduire en haut, et qu'ils le puissent tenir en leurs mains et tuer, ne le tueront-ils pas ?
Que nous apprends cette allégorie? Que le chemin est long vers la connaissance? Que celui qui se bat verra? Que l'homme qui Sait est perçu comme un danger par celui qui ignore?
Je ne vais pas faire un cours de philosophie (moi qui aie toujours avoisiné le 9 dans cette matière, ça serait un comble!! ), je voulais juste ici vous montrer d'où met venu l'idée de l'Ombre du texte que j'écris. Je vous avez offert l'extrait avec le rêve de la caverne, aujourd'hui vous comprenez que j'ai un peu plagié, m'enfin, plagier Platon n'est pas un crime (tente de se convaincre XD )
Dans ma version, l'Ombre est l'ennemi. Alors que l'Homme tente de retrouver la lumière, l'Ombre l'en empêche et lui montre ce qu'il peut devenir s'il reste dans l'obscurité. 
D'ailleurs, le livre tout entier est un clin d'oeil à l'allégorie. Les Marcheurs, enfermés dans leurs traditions, sont heureux mais ignorants du monde qui les entoure. L'apparition de la bête va les forcer à sortir, à aller à la rencontre d'autres peuples, plus instruits. 
En outre, le livre est divisé en trois parties:
* L'Ignorance
* Le Savoir
* La Peur
Oui, parce que le savoir amène à la peur. Non? Vous n'êtes pas d'accord? Pourquoi?
Mes protagonistes, après leur long voyage retournent chez eux, auprès des leurs. Mais ils sont revenus différents, n'ont plus la même vision de l'avenir. Leurs traditions leur semblent erronées. Ils ont peur, parce qu'ils n'ont plus leur place dans leur tribu, ils ont peur parce qu'ils doivent encore vaincre un monstre qui semble indestructible. 
Alors, d'après vous, vaincront-ils leurs peurs? Le savoir acquis les aideront-ils à aller de l'avant? Seront-ils rejetés par les leurs ou acceptés?

Pour le savoir, il faut que je termine les corrections, qu'on me relise et que je recorrige, alors patience ^^

lundi 17 mars 2014

L'Ombre des Hommes #04


Hier, c'était Dimanche, et comme il me faut un jour dans la semaine pour flemmarder, pourquoi pas le dimanche ^^ 
Donc il n'y a pas eu d'extrait. Je me rattrape aujourd'hui avec une chasse au mammouth :P

Chapitre 4 : Un départ repoussé

La lassitude et l’impuissance s’empara de Dodroi. Rien dans la mémoire transmise par son prédécesseur ne l’avait préparé à une telle violence. L’Omsage regrettait encore de n’avoir pu être présent lors de la Grande-Chasse. Il avait préféré rester près d’une femme qui se plaignait d’étranges images d’endormi. En temps normal il ne se serait pas inquiété, mais l’attitude de Corbo l’avait remué, et il avait peur d’une maladie inconnue.
Le conteur se prit la tête dans les mains, les yeux fixés sur le flot ininterrompu de la Hurlante. Ses pensées ressemblaient au cahot de l’eau : violentes et écumeuses. Il ne comprenait pas comment un fils de Marcheur avait pu sombrer dans une telle folie. Il avait tué une Ancienne, vieille femme sans défense, avait blessé le maître à chasser, le malheureux n’avait pas survécu. La morsure s’était infectée et la fièvre avait eut raison des forces du brave. Quatre hommes n’avaient pas suffit à maintenir le furibond en place. Ourca l’avait assommé plusieurs fois, mais il se réveillait à chaque fois encore plus ivre de rage, comme si son sommeil le transformait en bête assoiffée de sang.  Le soir même, on l’avait solidement ligoté. Au levé du Brûlant, les liens gisaient à terre, il avait réussi à les arracher. Les femmes l’avaient retrouvé près de la Hurlante. Le bruit assourdissant de la rivière n’avait pas réussit à masquer leur cris d’horreur. Le monstre avait arraché un enfant de sa couche, sans réveiller personne, il l’avait étouffé, éventré, éviscéré et se repaissait de ses entrailles. Depuis, trois chasseurs se relayaient pour le garder. Durant trois jours, la tension dans le camp était palpable, et puis tout s’arrêta. Alors que le Brûlant étirait ses bras orangés sur l’horizon, Corbo avait ouvert les yeux. Son attitude n’était plus la-même. Il ne se souvenait plus de ses cruels méfaits. Il divaguait à propos d’une ombre monstrueuse dans une caverne. De peur que sa démence ne le reprît, la surveillance de ses gardiens ne se relâcha pas. On ne lui accorda qu’une couche et des fruits. Seul Cortig venait le voir, les autres Marcheurs préférant oublier jusqu’à son existence. Malheureusement, il ne pouvait en être ainsi indéfiniment.
Alors que la Blanche dressait sa couronne vers les dernières lueurs du jour, le paten des femmes fut réveillé par des lamentations quasi inhumaines. Toutes se mirent à hurler les unes après les autres, ranimant la blessure à peine cicatrisée du clan. L’Omsage accourut et rendit son repas en découvrant la scène. La femme des mauvais songes venait d’être prise, à son tour, de folie


Bon, l'extrait est plus court que d'habitude, mais la scène qui suit est assez gore, à ne pas mettre entre toute les mains, donc je vous laisse comme ça NiarkNiarkNiark

dimanche 16 mars 2014

l'Ombre des Hommes #03

Non mais Oh, j'allais me coucher en oubliant de vous embêter!!!!!!!!!
Voici donc l'extrait du chapitre 3 :P :

Le Brûlant était au plus haut que les chasseurs n’avaient toujours pas surpris leur proie. Loussa traquait une famille de géants laineux depuis trois jours. Il était revenu au camp simplement pour mener la tribu à eux. Malheureusement, le groupe de pachyderme avait pris une avance considérable, et malgré le savoir du pisteur, la troupe tardait à rejoindre leurs proies.
Ravi en profita pour admirait la prairie alentour. Il était rare de partir chasser aussi loin dans les plaines. Les hommes se contentaient des criques abritées par les grandes roches. Le gibier y était moins gros, mais les mordeurs ne s’y aventuraient pas. Ici les grandes espaces herbeux effleuraient de grands arbres au feuillage ocre. Aucun Marcheur ne se risquait à pénétrer sous le couvert de ces éminences. Trop de dangers s’y cachaient. Malgré les risques, leurs hauteurs attiraient le jeune chasseur qui avait toujours regardé les êtres du ciel avec envie et admiration. Il lui semblait qu’en haut des cimes il pourrait s’approcher des êtres ailés. Pour l’instant, le Brûlant poursuivait sa course en solitaire. Le froid venant des lointaines contrées gelées avait chassé le plus résistant des oiseaux. Et les Marcheurs ne tarderaient pas à les suivre.
Loussa leva une main, intimant le silence aux chasseurs. L’homme fixait le sol comme si la Terre lui racontait une histoire. Quelques battements d’ailes plus tard, le pisteur se redressa et glissa un mot à l’oreille du Porteur en pointa une direction du doigt. Sans un mot il commanda aux hommes de le suivre. Ravi jeta un regard au-dessus de son épaule et aperçu Ovi qui, tête baissée, suivait le mouvement sans sourciller. Sa gorge se noua devant le spectacle qu’elle offrait. Ses cheveux voletaient autour d’elle, et sa peau moirée s’harmonisait avec grâce à la pelisse tigrée négligemment jeté sur ses épaules. Lui-même s’était recouvert d’une peau supplémentaire pour se protéger du vent qui les fouettait en plein visage, mais il doutait d’avoir autant d’allure qu’elle.
Ils continuèrent d’avancer durant un bon moment avant de s’arrêter de nouveau. Un murmure d’approbation parcourut le groupe : au loin, quatre géants laineux erraient de leur démarche lourde. Deux adultes et deux petits, une famille. Tous savaient ce qu’ils devaient faire, séparer les parents des enfants. Un seul suffira à nourrir le clan pendant la Grande Marche.
Le groupe d’homme se scinda en deux. Le premier, mené par Cortig se mirent à courir pour contourner les géants et les prendre à revers. Les chasseurs restés avec Ravi se munirent de torches. En temps normal, l’Omsage se chargeait du feu, mais Dodroi restait introuvable, aussi Ourca prit l’initiative de l’allumer
Caché derrière les fourrés, Ravi attendait le signal du Porteur. L’appréhension lui serrait la gorge, son cœur frappait sa poitrine, ses doigts moites serrés son propulseur chargé de sa lance. Autour de lui, la tension était palpable. Chaque homme se concentrait sur la famille de laineux. Les géants étaient des animaux assez lents, mais leur force valait plus de dix hommes. Tous ne s’en sortiraient pas indemne. C’était une évidence, mais un sacrifice utile pour la survie de la tribu.
Les visages d’Ovi et de Fleur s’imposèrent à Ravi. Ces deux femmes valaient bien la peine qu’il prenne le risque de s’endormir à jamais. Elles constituaient son seul univers, il ne respirait que pour les voir sourire. Il ne pouvait en être autrement : sa vie contre la leur. Ça lui semblait parfaitement équitable.
Fort de cette idée, Ravi n’hésita pas une seconde lorsque le long sifflement lui vrilla les oreilles. Un courage nouveau souleva sa poitrine, il se sentait invincible, il était grand, il était fort, les géants n’avaient aucune chance face à lui. Il sortirait vainqueur, ramènerait de la viande au camp, pourvoirait au bien-être de sa sœur et de… sa compagne !
Ravi sortit de son bosquet, hurla sa détermination et son courage. Les pachydermes adultes se cabraient, les petits barrirent de terreur. Le sol trembla quand les bêtes se laissèrent retomber lourdement. Ravi manqua de chuter, la honte de sa faiblesse ne fit qu’accroître sa rage de vaincre.
Autour de lui, des hommes balayaient l’air de leurs torches. Les flammes crépitaient. Les chasseurs hurlaient. Les découpeuses tapaient des pierres les unes contre les autres. Faire du bruit. Faire le plus de bruit possible pour acculer les géants dans le piège qui se refermait peu à peu autour d’eux. Ravi riait. Pour la première fois, il vibrait à l’unisson avec son clan. Hommes, femmes, tous unis dans un seul but : survivre.
À présent, ils couraient. La sueur lui piquait les yeux, sa gorge s’asséchait de plus en plus, mais il soutint le rythme. Guidé par Ourca, la troupe convergea sur la gauche, vers un petit un peu en retrait de sa famille. Malgré sa peur, Ravi s’interposa entre la femelle et sa progéniture. Les torches le suivirent, lui tournant le dos, elles firent reculer la mère paniquée. Le chasseur choisit ce moment pour actionner son propulseur. Sa lance fila droit dans l’œil du jeune laineux qui émit un long barrissement plaintif. Le cœur de Ravi se gonfla de fierté ; nul doute que ce soir, ses frères l’acclameraient !
Par malheur, la mère n’avait pas encore abandonné. Le cri de son enfant la rendit hystérique. Elle se rua sur les chasseurs, renversa les torches, un homme fut projeté contre un rocher. Tous s’écartèrent. Ravi, désarmé, s’éloigna le plus possible. La peur avait remplacé la joie. Ses jambes tremblèrent, son estomac se contracta, sa tête bourdonna d’une seule idée : fuir.
La femelle brandit ses défenses dans sa direction, elle le voulait ! Il avait blessé son petit, il allait en subir les conséquences. Le ventre noué, Ravi se mit à courir loin de la bête en colère. Dans sa précipitation, il ne vit pas la roche à moitié ensevelie, il butta dessus et s’effondra de tout son long. Le nez dans la terre, il se morigéna de sa maladresse. Lui qui était chasseur quelques battements plutôt, le voilà devenu proie. Il se retourna sur le dos pour voir sa fin arriver. Pas question de passer ses derniers battements à s’apitoyer sur son sort. Il était un chasseur, il ne baisserait pas les yeux devant son ennemi ! Elle était là, immense, une patte prête à l’écraser, en suspend au-dessus de sa tête. Ravi déglutit, une larme coula le long de sa joue. Il ne voulait pas ! L’étau dans sa gorge se relâcha. Ses tripes se liquéfièrent. Il hurla sa peur, son désespoir. Son courage envolé, il ferma les yeux dans l’attente du coup fatal

vendredi 14 mars 2014

L'Ombre des Hommes #02


Et donc, aujourd'hui un deuxième extrait:

Chapitre 2 : La Caverne

Du sang. Depuis trois nuits, Corbeau-Agile ne voyait plus que ça durant ses images d’endormi. Le jeune homme n’arrivait pas à chasser ces horribles idées qui le suivaient la journée. Aucune douceur n’effaçait le goût amer sur sa langue. Il avait faim, soif de sang, à tel point qu’il se surprenait à manger sa viande crue. Le soir, alors que le Brûlant rentrait dans sa tanière et que les ombres enveloppaient le camp, il tournait autour du feu tel un mordeur affamé. Retrouver son sommeil tourmenté ne l’enchantait guère. Corbeau-Agile découvrait peu à peu ce qu’était la peur, mais pas celle qui le poussait à devenir courageux comme lorsqu’il était en chasse. Ni celle qu’il ressentait quand un membre de son clan était sur le point de rejoindre ses ancêtres. Pour la première fois il devait faire face à ses désirs les plus brutaux, les plus vils, le plaisir ardent de faire du mal, d’être le plus fort, de soumettre quiconque à sa volonté.
Corbo secoua violemment la tête. Il ne fallait pas. C’était contre l’enseignement de son clan. Toute sa vie, on lui avait appris à respecter chacun, les femmes, les enfants, les autres chasseurs. Les plus vieux lui avaient enseigné la patience, et à apprécier sa place au sein du groupe. Il entendait encore sa nourrice lui rabâchait les mêmes propos encore et encore :
« Quoi que tu choisisses de faire, qu’importe tes facultés, tu trouveras ta place et tu pourvoiras à la survie du clan. Parce que chaque membre est important et que nous dépendons tous les uns des autres. »
La vieille folle ne pouvait pas deviner qu’il ne serait qu’un petit chasseur sans envergure ni réel talent. La majorité du temps, Cortig le prenait avec lui, pas par sympathie, non, mais pour le surveiller, le protéger. Le porteur de la lance ne le croyait pas capable de se débrouiller seul. Il n’était pas utile au clan, il était un poids pour les autres membres.
« Corbo ? Est-ce que tu te sens bien ? »
Accaparé par ses sombres pensées, Corbo n’avait pas prêté attention à Dodroi qui posait sur lui un regard inquiet.
« Omsage ? Oui, bien sûr, pourquoi ? 
— Et bien, tu as l’air agité ? »
Même s’il le respectait, Corbo n’aimait pas le conteur. Qui l’appréciait d’abord ? Aucune femme ne voulait de lui dans sa couche, et bien qu’écouté, les hommes évitaient sa compagnie comme le rat fuit le serpent. Trop étrange, trop intimidant pour que le jeune homme puisse se confier à lui, mais surtout comment avouer à un membre du clan qu’il a soif de sang ?
« Comment ça agité ? répondit-il plus sèchement qu’il ne l’aurait voulu.
L’Omsage ajusta sur ses épaules la fourrure de cornu caractéristique à sa fonction de conteur. Puis répondit sans paraître étonné du ton employé par Corbo.
— Tu tournes en rond depuis le réveil des grandes chouettes. Et si tu n’arrêtes pas de rogner le cuir de tes doigts. Ta main ressemblera bientôt à une de leurs serres.
Corbo regarda ses ongles avant de les cacher dans son dos d’un air coupable.
— Tu t’inquiètes trop Omsage, j’ai juste hâte d’aller à la Grande Chasse. Mais toi tu ne peux pas comprendre !
Le sourire haineux qu’il adressa au conteur n’offusqua pas celui-ci. Corbo serra des dents, l’Omsage était intouchable, quoi qu’on lui dise, il ne s’emportait pas. Il ne se séparait jamais de son calme, ne serait-ce le temps d’un battement d’ailes.
— Il est vrai que je ne suis pas chasseur, malgré ça je connais l’importance de la tâche qui vous incombe. C’est la dernière avant le départ pour le camp des terres chaudes et de vous dépendent les quantités de viande pour le voyage.
Le conteur se tut un instant. Il lorgnait Corbo d’une façon que ce dernier n’appréciait guère.
— Pourquoi me regardes-tu ainsi ? Laisse-moi, je n’ai pas besoin d’un avorton, rugit le jeune homme.
Sous le coup de ces paroles, Dodroi se figea sans pour autant se départir de son masque de sérénité. Ses épaules se levèrent et retombèrent dans un mouvement lent et contrôlé.
— Ta colère contre moi n’est pas justifié, reprit-il, et tu le sais très bien. J’ai autant le droit à ma place que toi. Tu apportes la nourriture et je suis le gardien de notre passé. Je suis venue pour t’aider, savoir si je pouvais faire quoi que ce soit pour toi.
Les poings crispés, le regard fuyant, Corbo ne desserra pas les lèvres. Il se contenta de tourner le dos au conteur.
— Bien, abandonna Dodroi, je te laisse, mais n’oublie pas que je ne suis pas ton ennemi. Quand un membre souffre, c’est tout le clan qui souffre avec lui. »
Corbo attendit que l’Omsage le quitte pour bouger. Il se rendit compte alors qu’il était le dernier auprès du feu. Il y avait bien les chasseurs chargés de guetter les éventuels prédateurs, mais le camp était silencieux, endormi. À contre cœur, le jeune homme retrouva sa couche, et malgré l’inquiétude qui pesait sur son coeur, laissa sa fatigue prendre le dessus. À son tour, il plongea dans le sommeil.

Une caverne sombre. Il ne voyait rien d’autre que des ombres sur une paroi devant lui. Elles dansaient, enivrantes. Des images se dessinèrent. Les contours d’une bête se précisèrent. Corbo essaya de se retourner, connaître ce qui s’approchait, mais une force invisible le tenait immobile. L’ombre grandit, devint menaçante. Une tête cornue se dessina. Des plaques se dressèrent sur le dos de la créature. Ses appendices frontaux touchaient le plafond de la grotte. Fuir. Corbo força ses membres à lui obéir, en vain. Un murmure résonna à ses oreilles, une voix rauque qui se répercuta contre les parois. L’écho devint un  hurlement qui glaça le jeune homme. L’ombre devant lui grossit encore d’avantage, monstrueuse.
« Regarde qui tu es ! tonna une voix puissante, vibrante de hargne.
L’Ombre du monstre se disloqua en un tas de verres qui se liquéfièrent dans une flaque noire.
Des larmes glissèrent le long des joues rugueuses de Corbo.
«  Non… ça n’est pas moi… se lamenta-t-il.
Regarde ce que tu peux devenir ! »
La flaque se remodela en une créature, moins terrifiante que la première mais tout aussi hideuse et puissante. Corbo reconnu la silhouette de son propre buste, mais ces jambes se fondaient en une queue immense qui rappelait celle d’un serpent. Son cœur se souleva, l’amertume de la bile imprégna son palais.         Sur le mur, une langue bifide sortit de la bouche aux dents comme des crochets.
Corbo détourna le regard incapable de supporter plus longtemps cette part de lui.
« NON ! s’époumona-t-il paniqué. Je ne veux pas !
Pourquoi refuser ta vraie nature ?
— Je ne veux pas, je veux sortir… il me faut de la lumière…
LA LUMIÈRE ? hurla la voix furieuse. La lumière n’est que tromperie ! Elle  t’éblouie, te cache ton toi profond ! Regarde et dis moi que tu n’aimes pas ce que tu vois, alors je te laisserai en paix. »

La chambre