jeudi 5 juin 2014

les 24h de la nouvelle 2014

Alors voilà, cette année encore j'ai participé aux 24h de la nouvelle. Le but? Ecrire une nouvelle en 24h, rien de plus simple vous me direz, sauf qu'en temps normal, il faut environ deux à trois jours à une personne saine d'esprit, quand ce n'est pas une semaine, un mois... Heureusement, on nous demande une nouvelle finie, pas corrigé, ce qu'on appelle un premier jet. 
Comme écrire 2000 mots en si peu de temps n'est pas assez compliqué (oui, on a tous une famille, un travail, des amis et tout et tout) on nous rajoute une contrainte. L'année dernière, il fallait insérer les titres de chansons d'un groupe ou un chanteur au choix. Cette année, on devait donné un rôle même minime à un animal de compagnie.
Donc, j'ai relevé le défit, et voilà ce que ça donne. Je rappelle donc, il s'agit d'un premier jet, donc non corrigé (sauf les fautes d'ortho et de grammaire, enfin en partie):

Victime de son succès

Ça y est, je suis morte… enfin ! Que va-t-il m’arriver ? Ma vie était tellement vide que ma mort ne peut être que mieux. Je l’ai vue, ma vie, elle a défilé devant mes yeux comme convenu. Pourtant je n’y ai rien observé de palpitant. Elle était à mon image, fade, sans arôme ni couleur... Aucun intérêt.
J’avance. Enfin, je pense avancer. Je n’ai plus de pied ni de mains, plus de corps. Je flotte vers la lumière. Je m’attends à tout. J’ai lu tellement de choses sur l'au-delà que je ne sais plus, je ne crois plus. Y a-t-il un Paradis ? Un Éden ? Un Enfer ? Ou mieux, le Nirvana. Si ce n’est pas le cas, j’aimerai bien me réincarner. Recommencer ma vie, ne pas dire non, accepter des propositions, refaire les mêmes erreurs ou alors les gommer. Oui, la réincarnation… Ça me plaît… Un nouveau départ, une nouvelle vie.
J’avance. La lumière est derrière moi. Devant… rien… Ce n’est pas blanc, ce n’est pas noir. C’est vide. La mort ressemble à ça ? Au néant ?
Non, une tâche orange bondit de droite à gauche. Elle gambade, semble poursuivre quelque chose. Elle s’arrête. Me regarde. S’approche, s’éloigne. Je n’arrive pas à distinguer ce que c’est, mais je sais. Je sais que je la connais. Cette boule rousse me dit quelque chose. Je l’ai déjà vue. La forme se dirige vers moi, ça y est. C’est Mira, mon chat. Mais… il n’est pas mort. Enfin je crois, ça fait tellement longtemps que je ne l’ai pas approché. Il m’a quitté un jour, préférant le grand air à mon appartement miteux. Je l’ai laissé partir, après tout, je ne suis pas faite pour m’occuper des autres. Pour ça, il aurait fallu que j’arrive déjà à prendre soin de moi.
Mira me regarde, il me voit. Je ne dois pas être aussi invisible que ça en fin de compte. À moins que ce qu’on raconte sur les chats soit vrai : ils possèderaient une sorte de troisième œil. Une amie pensait qu’ils étaient la réincarnation de dieux égyptiens. Pourquoi pas ? Pourtant, maintenant je doute qu’elle eût raison : je ne suis morte, mais pas sur Terre…
Je me penche sur Mira, il remue la queue le poil dressé. Il est effrayé. Il ne me reconnait pas. Il crache, je me recule. Quelle cruche ! De quoi ai-je peur ? Qu’il me morde ? D’avoir mal ? Je n’ai plus de corps, la douleur n’existe plus pour moi.
Le chat entame lentement une marche arrière, il ne me quitte pas du regard. Je soupire, enfin j’aimerai respirer. Pourquoi faut-il que tous les hommes finissent par me fuir ? Même ceux sur quatre pattes.
« Ed ! »
Je connais cette voix.
« Ed ! »
Qui m’appelle ?
« Edwige, par ici ! »
Je fais volte-face. Une silhouette se découpe dans le fond. Je vole vers elle. Qui est-ce ? Mon grand-père ? Ma tante ?
« Dépêche-toi, bichette, on t’attend. »
Mon cœur se gonfle, mais je n’ai pas de cœur. L’allégresse me rend légère, je ne suis pas seule ! Je file comme un courant d’air,.
« Viens Ed, rejoins-nous. »
J’arrive, ne partez pas ! Je souhaiterai hurler, mais je n’ai pas de bouche. La voix résonne autour de moi, en moi. La silhouette devient plus nette. Trop fine pour être mon papy, trop grande pour tata. Qui ça peut-être ?
Je ralentis. Un sourire suffisant me cueille. Je m’arrête stupéfaite. Qu’est-ce que ça veut dire ?
« Salut, Ed, tu vas bien ? Ah oui, tu es morte donc tout roule pour toi. »
Un frisson électrique parcourt l’être que je suis. Ce regard, cette mèche sauvage, ces lèvres moqueuses… Ce n’est pas possible, il ne peut pas être là, il était encore vivant quand j’ai succombé.
« Mickaël, comment ? »
J’arrive à parler. Je serre les poings. J’ai des mains. Je me regarde. J’ai un corps.
« On doit causer tous les deux.
— Non tous les trois. »
Je me retourne, un beau brun arrive vers moi. La gentillesse qui se dégage de lui me rassure. Au moins, lui ne va pas me broyer sous les reproches.
« Je peux me joindre à vous ? »
Quoi ? Des garçons sortent de l’ombre, m’encerclent. Tous les hommes que j’ai aimés, un peu… beaucoup. Mickaël, Rémi, Jo, Mat, Éric… ils sont tous là. Je me tasse sur moi-même. Le poids de leur regard, l’aura qu’ils dégagent m’enveloppent comme une couverture rêche. J’ai froid. Je voudrais me réchauffer de leur présence, mais la tension m’irrite. Je serre mes bras autour de ma poitrine.
« Alors ? me lance Mickaël.
— Alors quoi ? m’étonné-je.
— Lequel d’entre nous as-tu le plus aimé. »
J’ouvre la bouche et oubli de la refermer. C’est quoi cette question ?
« Dis-leur que c’est moi, supplie Jo en me tendant la main.
— Toi ? ricane Mat, mais elle n’a passé qu’une nuit avec toi. Ed, tu te rappelles cet été-là… on était bien ensemble. »
Je souris. Oui je me souviens. Pourtant Mat a tort, un mois ne remplacera jamais la seule nuit que j’ai partagé avec Jo. J’ai toujours regretté d’être partie le lendemain. J’avais peur, peur de me tromper, d’être heureuse, je ne sais pas exactement.
« Ed… on est resté combien de temps ensemble ? Dix ans ? Ça ne fait aucun doute que tu m’as aimé plus que tous les autres. »
Je fixe Éric. Quel enfoiré celui-là. Pas dix ans, huit. Mais je suis d’accord, ça m’a semblé beaucoup plus long. Je suis resté avec lui pas par amour, mais par habitude. C’est dingue ça. J’ai quitté Jo par peur du bonheur, je me suis accrochée à Éric par peur de la solitude. Mais qu’est-ce que j’ai fait ? Ma vie ne se résumerait donc qu’à ça ? Des regrets ?
« Entre nous il y avait toujours ce petit truc qui nous attirait l’un vers l’autre comme deux aimants opposés. Personne ne pouvait nous séparer, il fallait qu’on se touche, qu’on s’embrasse. »
Une larme coule sur ma joue. Rémi a raison. De tous, il était celui que je désirais le plus, celui dont je rêvais… et qui...
« Et tu n’as jamais voulu de moi, hurlé-je hors de moi. Tu préférais voyager, partir encore et encore ! Tous autant que vous êtes, comment osez-vous me poser ce genre de question ? Comment osez-vous venir me harceler le jour de ma mort ? Aucun de vous n’a jamais pris la peine de me connaître, d’apprendre à me faire plaisir. Oh oui, Éric, on est resté longtemps ensemble, mais pourquoi ? Par amour ? Tu n’en avais rien à foutre de moi ! Ce qui comptait c’était ton petit confort personnel. Jo, une nuit… une nuit indélébile, et puis après ? T’es-tu battu pour m’avoir ? As-tu essayé de me rassurer ? Non, tu as préféré me regarder de loin, tu me voyais seule, perdue et tu n’as même pas levé le petit doigt pour me sauver. Je n’étais qu’une gamine qui rêvait d’un chevalier. Quel beau chevalier ! Même pas capable de défoncer une porte dégondée. »
Mon souffle me fait défaut. Je respire difficilement. Une boule se coince dans ma gorge. Les larmes ne se tarissent pas, je n’en peux plus. Je veux qu’ils s’en aillent. Je ne veux plus les voir.
« Il ne reste plus que moi. »
Mickaël et son sourire, ses cheveux en bataille. Celui avec qui j’ai essayé. Vraiment essayé d’être heureuse. En vain.
« Toi tu es le pire de tous. Tu te servais de moi. J’étais prête à tout pour toi… »
Je serre les dents. Les mots veulent sortir, en désordre. Je ne peux pas, je me suis toujours retenue d’être méchante. Ne jamais leur en vouloir. Tout ça, c’est aussi de ma faute. Je ne me suis pas battu, j’ai baissé les bras.
« Oui ? insiste Mickaël.
— Ça va ? Tu as réussi à oublier tes amours perdus ? demandé-je acerbe. Tu venais me voir dès que tu te faisais larguer, dès que tu avais besoin d’être cajolé, rassuré et tu repartais me laissant plus seule que jamais. Tu n’as pas honte de croire que je pourrais un jour te pardonner les épreuves que tu m’as faites endurer ? Je te hais, je vous déteste… TOUS !
— Alors tu ne nous as jamais aimés ? » relance Jo la mine déçue.
Ma colère retombe d’un coup. Mes épaules se relâchent. Mais qu’est-ce que l’amour ? Les ai-je aimé ? Un soupire de lassitude s’échappe de mes lèvres. Épuisée, je secoue la tête.
« Au contraire, soufflé-je dans un murmure à peine audible. Je vous ai tous aimé, chacun d’une manière différente, mais aujourd’hui…
— Oui ?
— Celui que j’aime le plus n’est pas là. »
L’image de Jean s’impose à moi. Il n’est  pas forcément beau, mais quand il sourit… quand il sourit... je suis aux anges. Il m’écoute, cherche à me comprendre. Il est patient, compatissant, gentil, un peu con… mon cœur se brise. Je suis morte, je ne le reverrai plus, c’est terminé. Tant d’années sans le connaître, on aurait pu se croiser, on a habité les mêmes villes sans jamais se rencontrer jusqu’il y a peu.
« Tu lui as dit ? »
Mickaël a perdu son air suffisant, au contraire il semble heureux.
« Non.
— Qu’est-ce que tu attends ?
— C’est trop tard. Tu as oublié ? Je suis morte. »
Un rire cristallin retentit autour de moi. Les hommes que j’aime reculent. Je crois qu’ils vont disparaître comme Mira, mais non. Ils s’arrêtent. Une lueur rouge passe dans leurs yeux. Ils me montrent leurs dents. J’ai peur. Ai-je eu tort de dire la vérité ? Je n’aurai peut-être pas dû.
Ils me dévisagent. Leurs cheveux se dressent. Ils s’élancent sur moi. Je crie surprise. Dans un geste vain de protection, je me recroqueville sur moi-même. Sur mon dos, je sens des coups. Ils me frappent, j’ai mal, je hurle. Laissez-moi ! Allez-vous-en ! Je m’éteins…

Une lumière blanche, encore. J’ouvre les yeux. Un néon blafard m’aveugle. Une odeur aseptisée s’impose à moi. Les draps blancs, les murs blancs, les stores blancs. Un fumé de soupe bas de gamme s’invite dans la chambre. Je n’ai plus de doute, je suis à l’hôpital. Je n’étais pas morte.

Une semaine plus tard, on m’a tout raconté. L’accident, l’opération pour me sauver les jambes, mon dos à deux doigts de se briser. Ma mort durant une minute et vingt secondes. Mon retour : un miracle.
Je suis encore faible. D’après les médecins, ma convalescence ne sera jamais vraiment terminée. Je ne serai jamais vraiment guéri, mais je dois être reconnaissante : je suis en vie. Saleté de toubibs. Toujours le mot pour faire plaisir. J’aimerai bien les voir alités pour un temps indéfini et être heureux d’être en vie.
Je suis là, je rumine ma malchance. La faute à personne. Qui pouvait prédire qu’un arbre allait tomber pile au moment où je passais dans ma boîte à savon.
Trois coups à la porte.
« Entré.
— Ed ?
— Jean… »
Il passe le seuil de la porte, me sourit. Je pleure de joie. Oui, je suis heureuse d’être en vie.

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La chambre