Le Brûlant étendait ses doux rayons sur
le camp où régnait une agitation peu habituelle. Les Marcheurs bouillonnaient
d’excitation. L’aube se levait sur un peuple changé, toujours inquiet de son
avenir, mais fort d’un nouveau sentiment : l’espoir.
Ovi ne s’attarda pas dans son paten. La
bête ayant détruit l’ossari, il ne restait plus que la bâtisse en bois où les
enfants dormaient encore. Cette nuit, elle l’avait passé seule. Elle avait
attendu Dodroi en vain. Ce dernier ne s’était pas couché, trop occupé à parler
avec les Anciennes et le Porteur. Leur départ provoquait bien des désagréments,
à commencer par la futur absence de Cortig. Qui porterait la Lance durant son
voyage ? Les Marcheurs ne pouvaient se passer d’un Porteur, il était le
guide des chasseurs, celui sur qui le clan comptait pour ramener du gibier.
Jamais auparavant, un Porteur n’avait laissé sa place de plein grès. Le sommeil
éternel se chargeait de la lui retirait.
Le regard fier, Ovi traversa le camp.
Elle se remplit les poumons de l’air glacé du matin en se frottant les doigts à
la recherche d’un peu de chaleur. L’odeur de l’eau blanche se faisait sentir,
elle ne tarderait pas. Le départ se faisait de plus en plus pressent, si par
malheur, les flocons recouvraient le sol avant la Grande-Marche, la tribu
serait contrainte de rester sur place, et beaucoup douter de leur survie. Ce
n’était pas tant le froid, mais bien le manque de proie à chasser qui leur
serait fatal. Même réchauffé, un corps affamé ne survivait pas longtemps.
À son passage, les hommes se frappaient
le torse de leurs poings et les femmes lui touchaient l’épaule, admiratives.
Ovi ne pouvait s’empêcher de sourire, même si son ventre se tordait
d’appréhension. Jamais encore on ne l’avait contemplée ainsi, jamais ses sœurs
ne l’avaient respectée. Elle avait enfin trouvé sa place et pour la garder,
elle devait partir. Son sourire heureux mua en une grimace amère. Elle s’était
portée volontaire, elle ne pouvait pas leur en vouloir. Personne ne
l’avait obligé ! Pourquoi avait-elle fait ça ?
Dodroi apparut dans son champ de
vision. Pour lui ! À présent qu’il était leur Père, toutes les femmes
voudraient partager sa couche. Ovi devait se montrer digne de lui. Elle ne
pouvait rivaliser face aux charmes de ses sœurs, alors ce serait par sa force
de caractère qu’elle le courtiserait.
En pleine conversation avec Cortig et
Loussa, Dodroi ne l’avait pas remarquée. Le cœur de la jeune femme se serra à
l’idée qu’il l’avait déjà oublié. Son nouveau statut, ses nouvelles
préoccupations, il n’avait plus le temps pour elle. N’avait-elle pas fait une
erreur en se proposant ? Comment allait-elle l’enjôler si elle restait
loin de lui ? Sa poitrine se fit soudain très douloureuse. Elle ne supportait
plus de le regarder sans que des gouttes d’eau ne s’écoulent de ses yeux. La
bouche tordue par la douleur, Ovi tourna les talons. D’un coup, l’envie de
partir très loin devint omniprésente. Ses jambes se mirent à courir le plus
vite possible. Un râle s’échappa de sa gorge qui se nouait d’angoisse. Elle
s’enfuit. En cours de route, elle perdit sa pelisse et se retrouva bras nus
dans le froid de la matinée. Son souffle se fit douloureux, des aiguilles de
glace pénétrèrent ses poumons. À bout de force, elle se laissa aller contre un
arbre aux branches recouvertes d’épines vertes. Lentement, elle glissa le long
du tronc tout en continuant à le serrer entre ses bras frigorifiés. L’eau de
ses yeux abonda sur ses joues. Comme elle se trouvait bête ! Fallait-il
être stupide pour croire que partir loin d’un homme aller la rapprocher de lui.
Lentement, sa peur de le perdre devint colère. Et lui ? Pourquoi
l’avait-il déjà oublié ? Un nouveau titre et elle n’existait plus ?
Que la vie pouvait être injuste !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire