dimanche 23 mars 2014

L'Ombre des Hommes #06


Et donc, le sixième extrait:

Au travers le trou par où s’échapper la fumée, Loussa admira les brillants du ciel. Une tradition voulait que l’on raconte l’histoire du dernier Père au moment du ventre rond de la Blanche. Cette nuit-là, elle n’était pas encore pleine, pourtant il serait bon de rafraîchir la mémoire de ses frères et sœurs. La voix de l’Omsage s’éleva. Le Pisteur se détendit. Le conteur avait eu la même idée.

« Au temps où l’eau blanche ne quittait pas les plaines, que le gibier se faisait rare et la cueillette plus encore, les Marcheurs avait un Père et une Mère. Ce Père se nommait Savoir-Immense, dit Savari. Aucune femme ne se refusait à lui. Il savait traquer une proie mieux que n’importe quels chasseurs. Il pistait le gibier seul et le tuait seul. Tous connaissaient l’histoire de sa rencontre avec un lion des cavernes, tous savaient que la peau zébrée qui parait les épaules, lui avait coûté une balafre de la joue au sommet du crane. Peu fier de sa bravoure, il se rasait soigneusement la tête afin que tous puissent voir ses cicatrices victorieuses. »

Loussa écoutait respectueusement, les yeux fermé. Les paroles s’infiltraient en lui comme une eau fraîche et claire.

« Pourtant, continua l’Omsage, Savari n’était pas rassasier. Il voulait devenir éternel. Sa folie n’avait d’égal que sa soif de pouvoir. Il se mit en tête qu’il était le seul à être digne d’être Père. Il ne forma pas de successeur et commença à tirailler le clan pour que tout soit fait à sa convenance. Il devint cruelle, orgueilleux mais personne n’osait le contredire. Il était le Père. A sa mort, la mémoire des frères auraient été perdu si la Mère n’avait pas enjôlé Savari à tel point que brûlant après brûlant, il lui révéla tous ses secrets. Quand le Père s’endormit à jamais, la Mère décida de séparer ce savoir en trois. Elle offrit le secret des femmes aux Anciennes, la mémoire des hommes à l’Omsage, et la Lance au premier chasseur qui devint son Porteur. Depuis, plus aucun Marcheurs ne désira de Père, et espéra qu’aucun Brûlant à venir n’en verrait un se lever. »



Loussa rouvrit doucement les yeux. Telle était l’Histoire des Marcheurs. Le passé était fait pour éviter sa répétition, même un idiot le comprenait. Le Pisteur jeta des œillades autour de lui. La légende faisait son effet. Beaucoup de ses frères et sœurs se lançaient des regards interrogateurs. Cortig lui-même semblait soucieux. Le soulagement libéra les épaules de Loussa. Bien que teintée de bonnes intentions, la proposition du Porteur dénaturerait la structure du clan. Il espérait réellement que la mémoire des frères suffirait à le faire comprendre aux autres.

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La chambre