samedi 29 mars 2014

Ecrire un monde pour vivre



La coupine Vestrit a posé une question: pourquoi écrire ? Bien entendu, elle y a répondu, puis Hatsh a livré son sentiment. C'est donc à mon tour.

Pourquoi j'écris. Un homme a répondu à la question avant moi, Pierre Bottero, et jamais je n'ai trouvé de meilleure réponse.
"Enfant, je rêvais d'étourdissantes aventures fourmillantes de dangers mais je n'arrivais pas à trouver la porte d'entrée vers un monde parallèle! J'ai fini par me convaincre qu'elle n'existait pas. J'ai grandi, vieilli, et je me suis contenté d'un monde classique... jusqu'au jour où j'ai commencé à écrire des romans. Un parfum d'aventure s'est alors glissé dans ma vie. De drôles de couleurs, d'étonnantes créatures, des villes étrangères...
J'avais trouvé la porte."

Ça résume parfaitement mon sentiment. Petite, je ne rêvais pas de devenir un écrivain célèbre, je ne savais même pas qu'un écrivain pouvait être célèbre. Je ne rêvais pas de gloire, ni de paillettes, je ne désirais pas écrire, je voulais juste rentrer dans un livre. Devenir la nouvelle Alice, partir sur le Joly Roger, visiter Neverland... les livres me sortaient d'un ennuie mortelle, d'une routine où rien ne finissait bien pour moi, où le prince charmant n'existait pas, où la magie était absente.

En grandissant, je n'ai jamais perdu cet envie de "rêver", sauf que la réalité devenait de plus en plus présente. Je devais faire face à mes choix, bons ou mauvais, assumer les conséquences de mes actes, et la magie n'avait plus sa place dans mon quotidien.

Quand je suis tombée sur cette citation de Bottero. Ça était comme un électro choc. Je me suis rappelée tout ce que j'avais perdu, tout mes amis en papiers, et je m'en suis voulue.

J'ai alors pris un crayon, un cahier et j'ai commencé à recouvrir des pages de mon écriture ronde et pâteuse ( ;) ). Au diable les fautes de grammaire, de conjugaison et d'orthographe, je pouvais enfin retourner dans mon monde. Ma tête bourdonnée d'idées plus ou moins innovantes, mes mains frétillaient d'excitation, mon coeur se gonflait du mystère qui s'offrait à moi.

Et puis vint l'orgueil.
Et si ce que j'écrivais était bien? Et si, la magie de mes histoires sortait des pages pour m'atteindre? Le fantastique a le vent en poupe de nos jours, Harry Potter, Edward, sans parler de la fantasy remis au goût du jour par la trilogie du Seigneur des Anneaux adaptée au grand écran... (vous l'avez compris, je parle d'il y a quelques années maintenant ^^ ). Et les séries SF n'ont jamais été aussi nombreuses.
Alors, j'ai soumis mon texte à quelques lecteurs, par morceau ou en entier... Bon faut bien l'avouer, la magie dans notre monde, il faut lui donner un coup de main. Après tout, les fantasticovores vous le diront, la magie a un coût, elle demande autant d'énergie qu'elle en donne.

Adieu orgueil, bonjour patience...

Aujourd'hui, je ne suis plus totalement dans le monde classique, mais je ne suis pas complètement dans le monde du rêve (il faut bien manger ^^ ), mais je ne me bats plus pour respirer, je ne suis plus triste de n'avoir jamais fait le tour du monde, parce que quelque part, j'ai déjà fait cent fois le tour de l'univers.

dimanche 23 mars 2014

L'Ombre des Hommes #06


Et donc, le sixième extrait:

Au travers le trou par où s’échapper la fumée, Loussa admira les brillants du ciel. Une tradition voulait que l’on raconte l’histoire du dernier Père au moment du ventre rond de la Blanche. Cette nuit-là, elle n’était pas encore pleine, pourtant il serait bon de rafraîchir la mémoire de ses frères et sœurs. La voix de l’Omsage s’éleva. Le Pisteur se détendit. Le conteur avait eu la même idée.

« Au temps où l’eau blanche ne quittait pas les plaines, que le gibier se faisait rare et la cueillette plus encore, les Marcheurs avait un Père et une Mère. Ce Père se nommait Savoir-Immense, dit Savari. Aucune femme ne se refusait à lui. Il savait traquer une proie mieux que n’importe quels chasseurs. Il pistait le gibier seul et le tuait seul. Tous connaissaient l’histoire de sa rencontre avec un lion des cavernes, tous savaient que la peau zébrée qui parait les épaules, lui avait coûté une balafre de la joue au sommet du crane. Peu fier de sa bravoure, il se rasait soigneusement la tête afin que tous puissent voir ses cicatrices victorieuses. »

Loussa écoutait respectueusement, les yeux fermé. Les paroles s’infiltraient en lui comme une eau fraîche et claire.

« Pourtant, continua l’Omsage, Savari n’était pas rassasier. Il voulait devenir éternel. Sa folie n’avait d’égal que sa soif de pouvoir. Il se mit en tête qu’il était le seul à être digne d’être Père. Il ne forma pas de successeur et commença à tirailler le clan pour que tout soit fait à sa convenance. Il devint cruelle, orgueilleux mais personne n’osait le contredire. Il était le Père. A sa mort, la mémoire des frères auraient été perdu si la Mère n’avait pas enjôlé Savari à tel point que brûlant après brûlant, il lui révéla tous ses secrets. Quand le Père s’endormit à jamais, la Mère décida de séparer ce savoir en trois. Elle offrit le secret des femmes aux Anciennes, la mémoire des hommes à l’Omsage, et la Lance au premier chasseur qui devint son Porteur. Depuis, plus aucun Marcheurs ne désira de Père, et espéra qu’aucun Brûlant à venir n’en verrait un se lever. »



Loussa rouvrit doucement les yeux. Telle était l’Histoire des Marcheurs. Le passé était fait pour éviter sa répétition, même un idiot le comprenait. Le Pisteur jeta des œillades autour de lui. La légende faisait son effet. Beaucoup de ses frères et sœurs se lançaient des regards interrogateurs. Cortig lui-même semblait soucieux. Le soulagement libéra les épaules de Loussa. Bien que teintée de bonnes intentions, la proposition du Porteur dénaturerait la structure du clan. Il espérait réellement que la mémoire des frères suffirait à le faire comprendre aux autres.

jeudi 20 mars 2014

L'Ombre des Hommes #5

Et c'est parti pour un nouvel extrait ;) :


« Corbo ? »
Ce dernier n’avait plus ouvert la bouche peu de temps après qu’on lui ait rappelé ses massacres. Les seules paroles audibles qui parvinrent à traverser ses lèvres étaient dénuées de cohérence.
Le conteur s’accroupit devant lui. Il posa une main sur la tête du jeune chasseur et le força à lever la tête.
« Comment va ton corps Corbo ? » insista l’Omsage.
Corbo poussa un grognement à peine humain avant de se dégager d’un coup de tête. Dodroi se releva peiné.
« Je vous repose la question, où était votre esprit ? leur demanda-t-il. Avez-vous vu quelque chose ? »
La femme ricana, Herbe regretta de ne pouvoir l’aider et Corbo ne décrocha pas un mot. Dodroi tourna les talons. Lorsqu’il ouvrit la porte en peau, un cri le fit se retourner. Corbo était debout. De ses mains liées, il pointa un coin sombre de la pièce.
« Elle est là, Elle est là, hurlait-il paniqué.
Dodroi bondit près de lui :
« Qui est là. Corbo, qui est là ?
— L’Ombre est là ! »
L’Omsage laissa ses bras tomber. L’état du jeune chasseur ne s’arrangeait pas, maintenant il avait peur des ombres. Il prit le jeune homme par les épaules est tenta de le rassurer. Il ne reconnaissait plus le chasseur têtu qui désirait la reconnaissance de ses pairs. A présent il était redevenu un petit garçon terrorisé par la nuit.
Dodroi appela le chasseur de garde et lui demanda une torche.
« Tu vois » dit-il en plantant la torche dans le sol, à bonne distance des malades. « Le feu chassera tes peurs. 
— Oh Omsage, ne me laisse pas ici, l’Ombre est partout. »

Dodroi tapota amicalement l’épaule de Corbo. Le pauvre délirait complètement. Malheureusement il ne pouvait rien pour lui, la mémoire des Marcheurs n’avait rien pour le soulager.

mardi 18 mars 2014

Platon, l'allégorie de la Caverne, livre VII de la République


— Maintenant, repris-je, représente-toi de la façon que voici l'état de notre nature relativement à l'instruction et à l'ignorance. Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu'ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête; la lumière leur vient d'un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux; entre le feu et les prisonniers passe une route élevée : imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles.
— Je vois cela, dit-il. 
— Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d'hommes et d'animaux, en pierre, en bois, et en toute espèce de matière; naturellement, parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent.
— Voilà, s'écria-t-il, un étrange tableau et d'étranges prisonniers.
— Ils nous ressemblent , répondis-je; et d'abord, penses-tu que dans une telle situation ils aient jamais vu autre chose d'eux-mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face?
— Et comment? observa-t-il, s'ils sont forcés de rester la tête immobile durant toute leur vie? 
— Et pour les objets qui défilent, n'en est-il pas de même? 
— Sans contredit. 
— Si donc ils pouvaient s'entretenir ensemble ne penses-tu pas qu'ils prendraient pour des objets réels les ombres qu'ils verraient? 
— Il y a nécessité. 
— Et si la paroi du fond de la prison avait un écho, chaque fois que l'un des porteurs parlerait, croiraient-ils entendre autre chose que l'ombre qui passerait devant eux?
— Non, par Zeus, dit-il.
— Assurément, repris-je, de tels hommes n'attribueront de réalité qu'aux ombres des objets fabriqués. 
— C'est de toute nécessité. 
— Considère maintenant ce qui leur arrivera naturellement si on les délivre de leurs chaînes et qu'on les guérisse de leur ignorance. Qu'on détache l'un de ces prisonniers, qu'on le force à se dresser immédiatement, à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière : en faisant tous ces mouvements il souffrira, et l'éblouissement l'empêchera de distinguer ces objets dont tout à l'heure il voyait les ombres. Que crois-tu donc qu'il répondra si quelqu'un lui vient dire qu'il n'a vu jusqu'alors que de vains fantômes, mais qu'à présent, plus près de la réalité et tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste? si, enfin, en lui montrant chacune des choses qui passent, on l'oblige, à force de questions, à dire ce que c'est? Ne penses-tu pas qu'il sera embarrassé, et que les ombres qu'il voyait tout à l'heure lui paraîtront plus vraies que les objets qu'on lui montre maintenant?
— Beaucoup plus vraies, reconnut-il.
— Et si on le force à regarder la lumière elle-même, ses yeux n'en seront-ils pas blessés? n'en fuira-t-il pas la vue pour retourner aux choses qu'il peut regarder, et ne croira-t-il pas que ces dernières sont réellement plus distinctes que celles qu'on lui montre?
— Assurément. 
— Et si, repris-je, on l'arrache de sa caverne par force, qu'on lui fasse gravir la montée rude et escarpée, et qu'on ne le lâche pas avant de l'avoir traîné jusqu'à la lumière du soleil, ne souffrira-t-il pas vivement, et ne se plaindra-t-il pas de ces violences? Et lorsqu'il sera parvenu à la lumière pourra-t-il, les yeux tout éblouis par son éclat, distinguer une seule des choses que maintenant nous appelons vraies? 
— Il ne le pourra pas, répondit-il; du moins dès l'abord. 
— Il aura, je pense, besoin d'habitude pour voir les objets de la région supérieure. D'abord ce seront les ombres qu'il distinguera le plus facilement, puis les images des hommes et des autres objets qui se reflètent dans les eaux, ensuite les objets eux-mêmes. Après cela, il pourra, affrontant la clarté des astres et de la lune, contempler plus facilement pendant la nuit les corps célestes et le ciel lui-même, que pendant le jour le soleil et sa lumière. Sans doute. À la fin, j'imagine, ce sera le soleil - non ses vaines images réfléchies dans les eaux ou en quelque autre endroit - mais le soleil lui-même à sa vraie place, qu'il pourra voir et contempler tel qu'il est. 
— Nécessairement, dit-il. 
— Après cela il en viendra à conclure au sujet du soleil, que c'est lui qui fait les saisons et les années, qui gouverne tout dans le monde visible, et qui, d'une certaine manière, est la cause de tout ce qu'il voyait avec ses compagnons dans la caverne. 
— Evidemment, c'est à cette conclusion qu'il arrivera.
— Or donc, se souvenant de sa première demeure, de la sagesse que l'on y professe, et de ceux qui y furent ses compagnons de captivité, ne crois-tu pas qu'il se réjouira du changement et plaindra ces derniers?
— Si, certes
— Et s'ils se décernaient alors entre eux honneurs et louanges, s'ils avaient des récompenses pour celui qui saisissait de l'oeil le plus vif le passage des ombres, qui se rappelait le mieux celles qui avaient coutume de venir les premières ou les dernières, ou de marcher ensemble, et qui par là était le plus habile à deviner leur apparition, penses-tu que notre homme fût jaloux de ces distinctions, et qu'il portât envie à ceux qui, parmi les prisonniers, sont honorés et puissants? Ou bien, comme le héros d'Homère,  ne préférera-t-il pas mille fois n'être qu'un valet de charrue, au service d'un pauvre laboureur, et souffrir tout au monde plutôt que de revenir à ses anciennes illusions et de vivre comme il vivait?
— Je suis de ton avis, dit-il; il préférera tout souffrir plutôt que de vivre de cette façon-là. 
— Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne et aille s'asseoir à son ancienne place : n'aura-t-il pas les yeux aveuglés par les ténèbres en venant brusquement du plein soleil? 
— Assurément si, dit-il. 
— Et s'il lui faut entrer de nouveau en compétition, pour juger ces ombres, avec les prisonniers qui n'ont point quitté leurs chaînes, dans le moment où sa vue est encore confuse et avant que ses yeux se soient remis (or l'accoutumance à l'obscurité demandera un temps assez long), n'apprêtera-t-il pas à rire à ses dépens, et ne diront-ils pas qu'étant allé là-haut il en est revenu avec la vue ruinée, de sorte que ce n'est même pas la peine d'essayer d'y monter? Et si quelqu'un tente de les délier et de les conduire en haut, et qu'ils le puissent tenir en leurs mains et tuer, ne le tueront-ils pas ?
Que nous apprends cette allégorie? Que le chemin est long vers la connaissance? Que celui qui se bat verra? Que l'homme qui Sait est perçu comme un danger par celui qui ignore?
Je ne vais pas faire un cours de philosophie (moi qui aie toujours avoisiné le 9 dans cette matière, ça serait un comble!! ), je voulais juste ici vous montrer d'où met venu l'idée de l'Ombre du texte que j'écris. Je vous avez offert l'extrait avec le rêve de la caverne, aujourd'hui vous comprenez que j'ai un peu plagié, m'enfin, plagier Platon n'est pas un crime (tente de se convaincre XD )
Dans ma version, l'Ombre est l'ennemi. Alors que l'Homme tente de retrouver la lumière, l'Ombre l'en empêche et lui montre ce qu'il peut devenir s'il reste dans l'obscurité. 
D'ailleurs, le livre tout entier est un clin d'oeil à l'allégorie. Les Marcheurs, enfermés dans leurs traditions, sont heureux mais ignorants du monde qui les entoure. L'apparition de la bête va les forcer à sortir, à aller à la rencontre d'autres peuples, plus instruits. 
En outre, le livre est divisé en trois parties:
* L'Ignorance
* Le Savoir
* La Peur
Oui, parce que le savoir amène à la peur. Non? Vous n'êtes pas d'accord? Pourquoi?
Mes protagonistes, après leur long voyage retournent chez eux, auprès des leurs. Mais ils sont revenus différents, n'ont plus la même vision de l'avenir. Leurs traditions leur semblent erronées. Ils ont peur, parce qu'ils n'ont plus leur place dans leur tribu, ils ont peur parce qu'ils doivent encore vaincre un monstre qui semble indestructible. 
Alors, d'après vous, vaincront-ils leurs peurs? Le savoir acquis les aideront-ils à aller de l'avant? Seront-ils rejetés par les leurs ou acceptés?

Pour le savoir, il faut que je termine les corrections, qu'on me relise et que je recorrige, alors patience ^^

lundi 17 mars 2014

L'Ombre des Hommes #04


Hier, c'était Dimanche, et comme il me faut un jour dans la semaine pour flemmarder, pourquoi pas le dimanche ^^ 
Donc il n'y a pas eu d'extrait. Je me rattrape aujourd'hui avec une chasse au mammouth :P

Chapitre 4 : Un départ repoussé

La lassitude et l’impuissance s’empara de Dodroi. Rien dans la mémoire transmise par son prédécesseur ne l’avait préparé à une telle violence. L’Omsage regrettait encore de n’avoir pu être présent lors de la Grande-Chasse. Il avait préféré rester près d’une femme qui se plaignait d’étranges images d’endormi. En temps normal il ne se serait pas inquiété, mais l’attitude de Corbo l’avait remué, et il avait peur d’une maladie inconnue.
Le conteur se prit la tête dans les mains, les yeux fixés sur le flot ininterrompu de la Hurlante. Ses pensées ressemblaient au cahot de l’eau : violentes et écumeuses. Il ne comprenait pas comment un fils de Marcheur avait pu sombrer dans une telle folie. Il avait tué une Ancienne, vieille femme sans défense, avait blessé le maître à chasser, le malheureux n’avait pas survécu. La morsure s’était infectée et la fièvre avait eut raison des forces du brave. Quatre hommes n’avaient pas suffit à maintenir le furibond en place. Ourca l’avait assommé plusieurs fois, mais il se réveillait à chaque fois encore plus ivre de rage, comme si son sommeil le transformait en bête assoiffée de sang.  Le soir même, on l’avait solidement ligoté. Au levé du Brûlant, les liens gisaient à terre, il avait réussi à les arracher. Les femmes l’avaient retrouvé près de la Hurlante. Le bruit assourdissant de la rivière n’avait pas réussit à masquer leur cris d’horreur. Le monstre avait arraché un enfant de sa couche, sans réveiller personne, il l’avait étouffé, éventré, éviscéré et se repaissait de ses entrailles. Depuis, trois chasseurs se relayaient pour le garder. Durant trois jours, la tension dans le camp était palpable, et puis tout s’arrêta. Alors que le Brûlant étirait ses bras orangés sur l’horizon, Corbo avait ouvert les yeux. Son attitude n’était plus la-même. Il ne se souvenait plus de ses cruels méfaits. Il divaguait à propos d’une ombre monstrueuse dans une caverne. De peur que sa démence ne le reprît, la surveillance de ses gardiens ne se relâcha pas. On ne lui accorda qu’une couche et des fruits. Seul Cortig venait le voir, les autres Marcheurs préférant oublier jusqu’à son existence. Malheureusement, il ne pouvait en être ainsi indéfiniment.
Alors que la Blanche dressait sa couronne vers les dernières lueurs du jour, le paten des femmes fut réveillé par des lamentations quasi inhumaines. Toutes se mirent à hurler les unes après les autres, ranimant la blessure à peine cicatrisée du clan. L’Omsage accourut et rendit son repas en découvrant la scène. La femme des mauvais songes venait d’être prise, à son tour, de folie


Bon, l'extrait est plus court que d'habitude, mais la scène qui suit est assez gore, à ne pas mettre entre toute les mains, donc je vous laisse comme ça NiarkNiarkNiark

dimanche 16 mars 2014

l'Ombre des Hommes #03

Non mais Oh, j'allais me coucher en oubliant de vous embêter!!!!!!!!!
Voici donc l'extrait du chapitre 3 :P :

Le Brûlant était au plus haut que les chasseurs n’avaient toujours pas surpris leur proie. Loussa traquait une famille de géants laineux depuis trois jours. Il était revenu au camp simplement pour mener la tribu à eux. Malheureusement, le groupe de pachyderme avait pris une avance considérable, et malgré le savoir du pisteur, la troupe tardait à rejoindre leurs proies.
Ravi en profita pour admirait la prairie alentour. Il était rare de partir chasser aussi loin dans les plaines. Les hommes se contentaient des criques abritées par les grandes roches. Le gibier y était moins gros, mais les mordeurs ne s’y aventuraient pas. Ici les grandes espaces herbeux effleuraient de grands arbres au feuillage ocre. Aucun Marcheur ne se risquait à pénétrer sous le couvert de ces éminences. Trop de dangers s’y cachaient. Malgré les risques, leurs hauteurs attiraient le jeune chasseur qui avait toujours regardé les êtres du ciel avec envie et admiration. Il lui semblait qu’en haut des cimes il pourrait s’approcher des êtres ailés. Pour l’instant, le Brûlant poursuivait sa course en solitaire. Le froid venant des lointaines contrées gelées avait chassé le plus résistant des oiseaux. Et les Marcheurs ne tarderaient pas à les suivre.
Loussa leva une main, intimant le silence aux chasseurs. L’homme fixait le sol comme si la Terre lui racontait une histoire. Quelques battements d’ailes plus tard, le pisteur se redressa et glissa un mot à l’oreille du Porteur en pointa une direction du doigt. Sans un mot il commanda aux hommes de le suivre. Ravi jeta un regard au-dessus de son épaule et aperçu Ovi qui, tête baissée, suivait le mouvement sans sourciller. Sa gorge se noua devant le spectacle qu’elle offrait. Ses cheveux voletaient autour d’elle, et sa peau moirée s’harmonisait avec grâce à la pelisse tigrée négligemment jeté sur ses épaules. Lui-même s’était recouvert d’une peau supplémentaire pour se protéger du vent qui les fouettait en plein visage, mais il doutait d’avoir autant d’allure qu’elle.
Ils continuèrent d’avancer durant un bon moment avant de s’arrêter de nouveau. Un murmure d’approbation parcourut le groupe : au loin, quatre géants laineux erraient de leur démarche lourde. Deux adultes et deux petits, une famille. Tous savaient ce qu’ils devaient faire, séparer les parents des enfants. Un seul suffira à nourrir le clan pendant la Grande Marche.
Le groupe d’homme se scinda en deux. Le premier, mené par Cortig se mirent à courir pour contourner les géants et les prendre à revers. Les chasseurs restés avec Ravi se munirent de torches. En temps normal, l’Omsage se chargeait du feu, mais Dodroi restait introuvable, aussi Ourca prit l’initiative de l’allumer
Caché derrière les fourrés, Ravi attendait le signal du Porteur. L’appréhension lui serrait la gorge, son cœur frappait sa poitrine, ses doigts moites serrés son propulseur chargé de sa lance. Autour de lui, la tension était palpable. Chaque homme se concentrait sur la famille de laineux. Les géants étaient des animaux assez lents, mais leur force valait plus de dix hommes. Tous ne s’en sortiraient pas indemne. C’était une évidence, mais un sacrifice utile pour la survie de la tribu.
Les visages d’Ovi et de Fleur s’imposèrent à Ravi. Ces deux femmes valaient bien la peine qu’il prenne le risque de s’endormir à jamais. Elles constituaient son seul univers, il ne respirait que pour les voir sourire. Il ne pouvait en être autrement : sa vie contre la leur. Ça lui semblait parfaitement équitable.
Fort de cette idée, Ravi n’hésita pas une seconde lorsque le long sifflement lui vrilla les oreilles. Un courage nouveau souleva sa poitrine, il se sentait invincible, il était grand, il était fort, les géants n’avaient aucune chance face à lui. Il sortirait vainqueur, ramènerait de la viande au camp, pourvoirait au bien-être de sa sœur et de… sa compagne !
Ravi sortit de son bosquet, hurla sa détermination et son courage. Les pachydermes adultes se cabraient, les petits barrirent de terreur. Le sol trembla quand les bêtes se laissèrent retomber lourdement. Ravi manqua de chuter, la honte de sa faiblesse ne fit qu’accroître sa rage de vaincre.
Autour de lui, des hommes balayaient l’air de leurs torches. Les flammes crépitaient. Les chasseurs hurlaient. Les découpeuses tapaient des pierres les unes contre les autres. Faire du bruit. Faire le plus de bruit possible pour acculer les géants dans le piège qui se refermait peu à peu autour d’eux. Ravi riait. Pour la première fois, il vibrait à l’unisson avec son clan. Hommes, femmes, tous unis dans un seul but : survivre.
À présent, ils couraient. La sueur lui piquait les yeux, sa gorge s’asséchait de plus en plus, mais il soutint le rythme. Guidé par Ourca, la troupe convergea sur la gauche, vers un petit un peu en retrait de sa famille. Malgré sa peur, Ravi s’interposa entre la femelle et sa progéniture. Les torches le suivirent, lui tournant le dos, elles firent reculer la mère paniquée. Le chasseur choisit ce moment pour actionner son propulseur. Sa lance fila droit dans l’œil du jeune laineux qui émit un long barrissement plaintif. Le cœur de Ravi se gonfla de fierté ; nul doute que ce soir, ses frères l’acclameraient !
Par malheur, la mère n’avait pas encore abandonné. Le cri de son enfant la rendit hystérique. Elle se rua sur les chasseurs, renversa les torches, un homme fut projeté contre un rocher. Tous s’écartèrent. Ravi, désarmé, s’éloigna le plus possible. La peur avait remplacé la joie. Ses jambes tremblèrent, son estomac se contracta, sa tête bourdonna d’une seule idée : fuir.
La femelle brandit ses défenses dans sa direction, elle le voulait ! Il avait blessé son petit, il allait en subir les conséquences. Le ventre noué, Ravi se mit à courir loin de la bête en colère. Dans sa précipitation, il ne vit pas la roche à moitié ensevelie, il butta dessus et s’effondra de tout son long. Le nez dans la terre, il se morigéna de sa maladresse. Lui qui était chasseur quelques battements plutôt, le voilà devenu proie. Il se retourna sur le dos pour voir sa fin arriver. Pas question de passer ses derniers battements à s’apitoyer sur son sort. Il était un chasseur, il ne baisserait pas les yeux devant son ennemi ! Elle était là, immense, une patte prête à l’écraser, en suspend au-dessus de sa tête. Ravi déglutit, une larme coula le long de sa joue. Il ne voulait pas ! L’étau dans sa gorge se relâcha. Ses tripes se liquéfièrent. Il hurla sa peur, son désespoir. Son courage envolé, il ferma les yeux dans l’attente du coup fatal

vendredi 14 mars 2014

L'Ombre des Hommes #02


Et donc, aujourd'hui un deuxième extrait:

Chapitre 2 : La Caverne

Du sang. Depuis trois nuits, Corbeau-Agile ne voyait plus que ça durant ses images d’endormi. Le jeune homme n’arrivait pas à chasser ces horribles idées qui le suivaient la journée. Aucune douceur n’effaçait le goût amer sur sa langue. Il avait faim, soif de sang, à tel point qu’il se surprenait à manger sa viande crue. Le soir, alors que le Brûlant rentrait dans sa tanière et que les ombres enveloppaient le camp, il tournait autour du feu tel un mordeur affamé. Retrouver son sommeil tourmenté ne l’enchantait guère. Corbeau-Agile découvrait peu à peu ce qu’était la peur, mais pas celle qui le poussait à devenir courageux comme lorsqu’il était en chasse. Ni celle qu’il ressentait quand un membre de son clan était sur le point de rejoindre ses ancêtres. Pour la première fois il devait faire face à ses désirs les plus brutaux, les plus vils, le plaisir ardent de faire du mal, d’être le plus fort, de soumettre quiconque à sa volonté.
Corbo secoua violemment la tête. Il ne fallait pas. C’était contre l’enseignement de son clan. Toute sa vie, on lui avait appris à respecter chacun, les femmes, les enfants, les autres chasseurs. Les plus vieux lui avaient enseigné la patience, et à apprécier sa place au sein du groupe. Il entendait encore sa nourrice lui rabâchait les mêmes propos encore et encore :
« Quoi que tu choisisses de faire, qu’importe tes facultés, tu trouveras ta place et tu pourvoiras à la survie du clan. Parce que chaque membre est important et que nous dépendons tous les uns des autres. »
La vieille folle ne pouvait pas deviner qu’il ne serait qu’un petit chasseur sans envergure ni réel talent. La majorité du temps, Cortig le prenait avec lui, pas par sympathie, non, mais pour le surveiller, le protéger. Le porteur de la lance ne le croyait pas capable de se débrouiller seul. Il n’était pas utile au clan, il était un poids pour les autres membres.
« Corbo ? Est-ce que tu te sens bien ? »
Accaparé par ses sombres pensées, Corbo n’avait pas prêté attention à Dodroi qui posait sur lui un regard inquiet.
« Omsage ? Oui, bien sûr, pourquoi ? 
— Et bien, tu as l’air agité ? »
Même s’il le respectait, Corbo n’aimait pas le conteur. Qui l’appréciait d’abord ? Aucune femme ne voulait de lui dans sa couche, et bien qu’écouté, les hommes évitaient sa compagnie comme le rat fuit le serpent. Trop étrange, trop intimidant pour que le jeune homme puisse se confier à lui, mais surtout comment avouer à un membre du clan qu’il a soif de sang ?
« Comment ça agité ? répondit-il plus sèchement qu’il ne l’aurait voulu.
L’Omsage ajusta sur ses épaules la fourrure de cornu caractéristique à sa fonction de conteur. Puis répondit sans paraître étonné du ton employé par Corbo.
— Tu tournes en rond depuis le réveil des grandes chouettes. Et si tu n’arrêtes pas de rogner le cuir de tes doigts. Ta main ressemblera bientôt à une de leurs serres.
Corbo regarda ses ongles avant de les cacher dans son dos d’un air coupable.
— Tu t’inquiètes trop Omsage, j’ai juste hâte d’aller à la Grande Chasse. Mais toi tu ne peux pas comprendre !
Le sourire haineux qu’il adressa au conteur n’offusqua pas celui-ci. Corbo serra des dents, l’Omsage était intouchable, quoi qu’on lui dise, il ne s’emportait pas. Il ne se séparait jamais de son calme, ne serait-ce le temps d’un battement d’ailes.
— Il est vrai que je ne suis pas chasseur, malgré ça je connais l’importance de la tâche qui vous incombe. C’est la dernière avant le départ pour le camp des terres chaudes et de vous dépendent les quantités de viande pour le voyage.
Le conteur se tut un instant. Il lorgnait Corbo d’une façon que ce dernier n’appréciait guère.
— Pourquoi me regardes-tu ainsi ? Laisse-moi, je n’ai pas besoin d’un avorton, rugit le jeune homme.
Sous le coup de ces paroles, Dodroi se figea sans pour autant se départir de son masque de sérénité. Ses épaules se levèrent et retombèrent dans un mouvement lent et contrôlé.
— Ta colère contre moi n’est pas justifié, reprit-il, et tu le sais très bien. J’ai autant le droit à ma place que toi. Tu apportes la nourriture et je suis le gardien de notre passé. Je suis venue pour t’aider, savoir si je pouvais faire quoi que ce soit pour toi.
Les poings crispés, le regard fuyant, Corbo ne desserra pas les lèvres. Il se contenta de tourner le dos au conteur.
— Bien, abandonna Dodroi, je te laisse, mais n’oublie pas que je ne suis pas ton ennemi. Quand un membre souffre, c’est tout le clan qui souffre avec lui. »
Corbo attendit que l’Omsage le quitte pour bouger. Il se rendit compte alors qu’il était le dernier auprès du feu. Il y avait bien les chasseurs chargés de guetter les éventuels prédateurs, mais le camp était silencieux, endormi. À contre cœur, le jeune homme retrouva sa couche, et malgré l’inquiétude qui pesait sur son coeur, laissa sa fatigue prendre le dessus. À son tour, il plongea dans le sommeil.

Une caverne sombre. Il ne voyait rien d’autre que des ombres sur une paroi devant lui. Elles dansaient, enivrantes. Des images se dessinèrent. Les contours d’une bête se précisèrent. Corbo essaya de se retourner, connaître ce qui s’approchait, mais une force invisible le tenait immobile. L’ombre grandit, devint menaçante. Une tête cornue se dessina. Des plaques se dressèrent sur le dos de la créature. Ses appendices frontaux touchaient le plafond de la grotte. Fuir. Corbo força ses membres à lui obéir, en vain. Un murmure résonna à ses oreilles, une voix rauque qui se répercuta contre les parois. L’écho devint un  hurlement qui glaça le jeune homme. L’ombre devant lui grossit encore d’avantage, monstrueuse.
« Regarde qui tu es ! tonna une voix puissante, vibrante de hargne.
L’Ombre du monstre se disloqua en un tas de verres qui se liquéfièrent dans une flaque noire.
Des larmes glissèrent le long des joues rugueuses de Corbo.
«  Non… ça n’est pas moi… se lamenta-t-il.
Regarde ce que tu peux devenir ! »
La flaque se remodela en une créature, moins terrifiante que la première mais tout aussi hideuse et puissante. Corbo reconnu la silhouette de son propre buste, mais ces jambes se fondaient en une queue immense qui rappelait celle d’un serpent. Son cœur se souleva, l’amertume de la bile imprégna son palais.         Sur le mur, une langue bifide sortit de la bouche aux dents comme des crochets.
Corbo détourna le regard incapable de supporter plus longtemps cette part de lui.
« NON ! s’époumona-t-il paniqué. Je ne veux pas !
Pourquoi refuser ta vraie nature ?
— Je ne veux pas, je veux sortir… il me faut de la lumière…
LA LUMIÈRE ? hurla la voix furieuse. La lumière n’est que tromperie ! Elle  t’éblouie, te cache ton toi profond ! Regarde et dis moi que tu n’aimes pas ce que tu vois, alors je te laisserai en paix. »

jeudi 13 mars 2014

L'Ombre des Hommes #01


Bon, alors, j'ai temporairement suspendu mon challenge (Hansept et Gretchen) pour reprendre la correction de l'Ombre des Hommes. 
Et pour me donner du coeur à l'ouvrage, et comme ça fait un bail que je n'ai rien écrit sur mon blog, j'ai décidé que je mettrais un extrait par jour du chapitre corrigé.

Aujourd'hui donc, vous avez le droit à la préface et à un bout du premier chapitre. Haut les coeurs!! (et n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, que vous aimiez ou non :) )


Prologue :

L’Omsage regardait son auditoire d’un œil confiant. Le temps était venu pour lui de conter l’Histoire de sa tribu. Le temps de se décharger de ce terrible héritage.
Les enfants étaient encore jeunes pour certains, mais le Sage n’avait aucun doute qu’ils comprendraient. Le plus important étant que cette génération se souvînt des épreuves endurées par leurs pères. Ils étaient la descendance de héros, de fiers chasseurs, de femmes exceptionnelles, mais aussi de traîtres et de manipulatrices.
Ces enfants devaient accepter et en tirer les leçons adéquates.
Le conteur se racla la gorge avant d’écarter ses bras desséchés par les années passées. Les petites têtes de tournèrent vers lui, les yeux brillant d’envi, de curiosité et de respect. Pour eux le vieil homme représentait une attraction joyeuse, celui qui connaissait les histoires les plus ensorcelantes et les plus amusantes. Aujourd’hui pourtant, aucun d’entre eux n’allait rire. Leur passé était empli de larmes et de cris. De peur et de désespoir. Mais c’était cela qui avait rendu la tribu plus forte, plus soudée.
L’Omsage plongea son regard dans le feu crépitant, perdu dans ses souvenirs. Une petite main sur son bras le ramena au présent. Cheveux-au-vent le fixait d’un air inquiet. Le Sage le réconforta d’un pâle sourire et d’un tapotement sur les doigts. Il était temps !
« Alors que le monde était différent que celui que vos pieds foulent. Alors que les hommes pensaient d’une tout autre manière qu’aujourd’hui. Alors que tout ce que vous connaissez n’existait pas encore, vivait un clan que l’on nommait « Les Marcheurs ». Il vivait en paix, loin des autres tribus, rythmant leur quotidien à celui des saisons.
« Ces Marcheurs ne connaissaient ni la haine, ni la colère. En contre partie, l’amour aussi leur était refusé. Ils ne vivaient que pour survivre. Leurs traditions étaient archaïques mais efficaces. Jamais tribu n’était plus fertile. Les enfants couraient autour des adultes s’en se douter de la menace qui pesait sur eux….



Partie I : L’Ignorance
Chapitre 1 : Les Marcheurs


Ovi s’en alla vers l’eau qui hurle afin de nettoyer la souillure qui poissait sur sa peau. Le liquide rouge qu’elle perdait réchauffait son entre-jambe. Un large sourire éclaira son visage lorsqu’elle croisa les autres femmes de son clan, occupée à ramasser des baies sur les buissons qui longeaient la berge. Ces dernières froncèrent leurs sourcils broussailleux à son approche. En remarquant le filet écarlate qui glissait jusqu’aux pieds de la jeune fille, l’Ancienne leva les bras au ciel et poussa le cri des femmes.
Ovi avança sous cette avalanche de joie : enfin l’âge de l’enfance s’achevait. Plus tard elle ne se souviendrait pas du Brûlant qui se miroitait sur la surface de la Hurlante. Elle oublierait le parfum des fleurs qui embaumaient l’air, même le chant des oiseaux s’effacerait de sa mémoire, tous ces détails incongrus alors que les jours froids ne devaient plus tarder. Tout ça n’était rien face aux voix de ses sœurs qui la portèrent avec allégresse jusqu’aux remous salvateurs. Elle n'hésita pas devant l’eau glacée. Un frisson d’excitation remonta le long de l'échine quand, d'un pas décidé elle pénétra dans la surface sombre. Denta, l’Ancienne, l’accompagna dans sa baignade tout en reprenant les mots de la renaissance :
« Illuminée par le Brûlant,
Bercée par la Blanche,
Cette enfant aujourd’hui
Ne l’est plus.
La Terre l’a vu jouer et grandir,
Désormais elle l’accompagnera
Dans sa quête de la chair.»
Denta immergea la tête d’Ovi jusqu’aux épaules. Elle maintint sa prise jusqu’à ce que la jeune fille ne puisse plus contenir son souffle. Ses poumons la brûlaient tant ils réclamaient de l’air. La mâchoire serrée, Ovi luttait contre l’envi d’ouvrir la bouche. La tête lui tourna et des points lumineux vinrent s’ajouter aux miroitements de l’eau. Au-dessus d’elle, elle distinguait à peine la silhouette de la vieille. Quand la douleur devint insoutenable, elle relâcha l’air de sa poitrine. Des bulles d’air éclatèrent à la surface que ses fines mains battaient frénétiquement. Elle ne pouvait plus tenir, et renonça à se battre. Seulement alors l’Ancienne la libéra. En se relevant précipitamment, la jeune fille toussa, cracha et dans une grande inspiration entendit la clameur de ses sœurs :
« Et c’est dans la douleur
Que l’Enfant devient Femme
Et que la Femme devient Mère »

La chambre